Deux cousines passionnées montent dans le train de la création d’une nouvelle librairie généraliste à Lille. Une petite boutique qui sera peut-être une locomotive.
Fantine Gros et Alix Mutte partagent beaucoup de choses et depuis longtemps. Cousines, elles ont la même passion du livre et une égale expérience du commerce si particulier de la librairie ; la première chez Tirloy, la seconde au Bateau Livre, deux librairies lilloises. Elles partageaient également l’envie de créer une entreprise et donc, naturellement, une librairie généraliste.
Elles ont eu un coup de cœur pour une boutique de la place Saint-Michel à Lille qu’avec un ami, Thibault Lerouge, fabricant de meubles, elles ont aménagé avec goût. “La vitrine avec sa grande arche nous a plu tout de suite. La surface était à notre échelle.” L’été a été mis à profit pour l’aménagement et l’approvisionnement. Ouverte le 25 novembre, la boutique a connu en fin d’année un démarrage très satisfaisant. Elle a déjà ses habitués. Pour fonctionner, une librairie ne peut se contenter d’une clientèle de passage : elle doit trouver ses fidèles.
Rotation des titres. Le choix des livres en rayon est donc primordial, pour satisfaire le visiteur d’abord, mais aussi pour ne pas stocker inutilement. Du stock, c’est du capital immobilisé. Les deux libraires ont soigneusement choisi leur cible en évitant les sciences humaines, spécialité d’un voisin. L’étude de marché a été instinctive et les a amenées à définir trois secteurs : la bande dessinées, la littérature adulte et la littérature jeunesse ; cette dernière avec un coin dédié comme une petite alcôve avec jeux et jouets. “Un endroit où on a envie d’être au calme.” Si elles ont 5 000 références en catalogue, elles ont choisi titre par titre. “Ce que l’on a lu et aimé, et ce qu’il faut avoir parce que c’est indispensable. Le choix est quand même un peu empirique. Choisir est le cœur de métier du libraire.” Pour donner une échelle de la difficulté de ce choix, 500 nouveaux romans sont parus en janvier. “Le libraire doit jongler avec ses murs, car il faut une rotation rapide.“
Un brevet professionnel passé en alternance apporte à leur passion et à leur expérience de l’assurance. Car il faut tout cela pour investir 100 000 € dans la création d’une entreprise, somme réunie par un apport personnel, un emprunt bancaire, une subvention régionale, un prêt d’Initiative Lille Métropole et un appel au crowdfounding. Puis, il faut apprendre, “sur le tas“, la gestion. Fantine Gros et Alix Mutte ont choisi le statut de la SARL à capital de 10 000 € dont elles détiennent 49% chacune, leurs mères détenant chacune 1%. Elles sont chacune cogérante. “Nous ne faisons pas cela pour nous enrichir. C’est difficile de dégager un salaire, mais c’est le commerce le plus épanouissant, un métier très riche avec des auteurs qu’on a lus.” Leur connaissance du milieu leur a facilité la tâche et notamment les nécessaires très fortes relations avec les éditeurs. Si l’étude de marché a été «instinctive», les deux créatrices ont établi leur business plan. Un questionnaire a pris le pouls des habitants.
Un quartier effervescent. Puis l’implantation n’a pas été choisie au hasard. La proximité de l’ancienne gare Saint-Sauveur, devenue lieu culturel à la mode chez les jeunes, a été un élément déterminant qui a aussi influencé le choix du nom. La Lison, en raison de la conjugaison du verbe lire, mais aussi la symbolique ferroviaire par la référence à Zola. Ce quartier de Lille-Moulins et Saint-Michel est en train de renouer avec la jeunesse, notamment par le retour de Sciences Po et de l’Ecole de journalisme. “Un quartier vivant, en demande : cela se sent.” Elles se sont donc lancées mais ont aussi communiqué, notamment sur les réseaux sociaux. Mille personnes suivent la page Facebook de la librairie qui s’est déjà ancrée dans son quartier.
Leur choix également a été limpide. “Dès le début, nous avons revendiqué être une petite librairie. Nous avons une vraie relation, presque familiale, avec les clients. Il y a un public des librairies indépendantes à Lille, des gens qui ont leur réseau de librairies complémentaires.”
Dernier avantage, La Lison est accessibles à pied, à vélo ou en voiture grâce à un petit parking situé devant la vitrine. “Ça tourne régulièrement.” Et pour que la clientèle ne fasse pas que passer, les deux jeunes libraires vont faire vivre la boutique avec des animations, des rencontres d’auteurs. Alix réalise la newsletter. Une anthologie de poésies et illustrations sera réalisée par l’association Méli-Mélo de Tourcoing, une association d’étudiants forte de son réseau. Les enfants disposeront de lecture par des conteuses et les adultes, de mini-conférences dans Les Salons de La Lison qui ne sera pas un wagon sleeping mais une locomotive.
Sur la place Saint-Michel, déjà un repère.