Aux assises, une reconstitution glaçante de l'assassinat de Samuel Paty

L'évocation des dernières minutes de la vie du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, assassiné dans la rue par un jeune islamiste radical le 16 octobre 2020, a tétanisé jeudi la cour d'assises spéciale de...

Croquis d'audience du 4 novembre 2024 lors du procès à la cour d'assises spéciale de Paris de huit adultes accusés d'avoir contribué au climat de haine qui a conduit un radical islamiste à décapiter en 2020 l'enseignant Samuel Paty © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience du 4 novembre 2024 lors du procès à la cour d'assises spéciale de Paris de huit adultes accusés d'avoir contribué au climat de haine qui a conduit un radical islamiste à décapiter en 2020 l'enseignant Samuel Paty © Benoit PEYRUCQ

L'évocation des dernières minutes de la vie du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, assassiné dans la rue par un jeune islamiste radical le 16 octobre 2020, a tétanisé jeudi la cour d'assises spéciale de Paris, qui juge depuis lundi huit personnes.

"Il y a eu 14 minutes entre la sortie de Samuel Paty du collège où il enseignait et la neutralisation (du tueur) Abdoullakh Anzorov. À aucun moment Anzorov n'a semblé perdre son sang-froid", a détaillé un enquêteur antiterroriste, qui a livré un témoignage glaçant.

Dans la salle d'audience des "grands procès", chacun retient son souffle tandis que l'enquêteur de la sous-direction antiterroriste (Sdat), identifié sous le matricule "Sdat259" et qui parle en visio-conférence, décrit les circonstances de "l'agression d'une très grande violence" du professeur d'histoire-géographie du collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).

Sur des images captées par la vidéosurveillance, on voit le professeur, capuche sur la tête, quitter son établissement. Une élève marche derrière lui.

Une silhouette, tout en noir, apparaît. "C'est Abdoullakh Anzorov", indique l'enquêteur qui précise que l'homme marche "d'un pas énergique et déterminé" en direction du professeur, violemment harcelé et menacé sur les réseaux sociaux depuis son cours sur la liberté d'expression dix jours auparavant.

L'homme vêtu de noir dépasse la collégienne, lui fait signe de partir, raconte l'enquêteur.

L'adolescente voit l'inconnu sortir un couteau et courir vers Samuel Paty. Prise de panique, elle fuit mais a le temps d'entendre: "Allah Akbar!".

Il est 16H54, Abdoullakh Anzorov vient de décapiter Samuel Paty.

L'enquêteur rapporte qu'un témoin qui passait en voiture a entendu Anzorov, à califourchon sur le corps du professeur, crier: "Il a insulté le Prophète!". Avant de s'éloigner, il prend des photos du corps martyrisé.

Sur les écrans de la salle d'audience, à laquelle assistent les sœurs de Samuel Paty, sont diffusées des images du couteau de cuisine, maculé de sang, qui a servi à poignarder et décapiter l'enseignant.

Abandonné par l'assaillant après son crime et retrouvé dans un caniveau, "au milieu de feuilles mortes", à une trentaine de mètres du corps de Samuel Paty, ce couteau est d'une longueur totale de 35 cm et doté d'une lame de 19 cm sur 4,5 cm d'épaisseur.

Pas un homme violent

L'autopsie a révélé 14 plaies par arme blanche sur le corps du professeur, relève Sdat259. "La décapitation a eu lieu juste avant ou juste après la mort, sans que cela ait pu être déterminé", précise-t-il.

La cour projette une photo en gros plan du corps du professeur, "ventre contre terre", "la tête désolidarisée du corps", "à gauche du corps".

Dans le sac à dos du professeur, les enquêteurs ont découvert un marteau. "L'enquête a permis de déterminer que M. Paty n'était pas un homme violent", dit Sdat259. Ce marteau "révèle l'état de crainte dans lequel il pouvait se trouver. C'était une potentielle arme de défense".

La police est rapidement intervenue. "Les mains rougies" par le sang de la victime, Anzorov a tiré à plusieurs reprises sur les policiers avec une arme de poing semi-automatique à air comprimé avant d'être abattu.

"Neuf passages de projectiles balistiques sont constatés sur le corps d'Abdoullakh Anzorov, dont cinq ont été retrouvés dans son corps", indique Sdat259.

Il est 17H04 quand la police constate sa mort.

Intervenant après le témoignage bouleversant de l'enquêteur, l'interrogatoire de personnalité d'Abdelhakim Sefrioui a paru bien fade, d'autant que le président a remis à plus tard les questions relatives à la religion ou au militantisme du fondateur du collectif pro-Hamas Cheikh Yassine, dissous le 21 octobre 2020.

Comme tous les autres accusés, sauf un, Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, a nié toute responsabilité alors même qu'il est accusé d'avoir participé, avec son coaccusé Brahim Chnina, "à l'élaboration et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine" à l'égard de Samuel Paty. 

"Je suis la victime d'une justice implacable", a affirmé l'accusé, qui souhaite "laver (son) honneur" et ne supporte pas que son nom "soit lié à ce crime barbare".

La famille de Samuel Paty doit témoigner vendredi. Le procès est prévu jusqu'au 20 décembre.

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