Auchan en 2015 : "à nouveau une année de croissance" ?

Rien de mieux que le commentaire du président du conseil d’administration pour expliquer les résultats d’une société et ses perspectives d’avenir. La parole donc à Vianney Mulliez pour son regard sur l’activité de Groupe Auchan : "Dans un environnement 2014 inégal et marqué par une évolution rapide des taux de change, nous avons réalisé une performance en-deçà de nos attentes, marquée par un investissement prix soutenu en France. La croissance de l’activité a été principalement portée par le dynamisme des zones Europe de l’Est et Asie (…). L’Europe est restée contrastée, mais les politiques de redressement initiées en France et en Italie en 2014 devraient commencer à porter leurs fruits en 2015."

De gauche à droite, Xavier de Mézerac, directeur financier de Groupe Auchan, Vincent Mignot, directeur général d’Auchan France, et Jean-Denis Deweine, directeur de l'offre et des achats internationaux.
De gauche à droite, Xavier de Mézerac, directeur financier de Groupe Auchan, Vincent Mignot, directeur général d’Auchan France, et Jean-Denis Deweine, directeur de l'offre et des achats internationaux.
D.R.

De gauche à droite, Xavier de Mézerac, directeur financier de Groupe Auchan, Vincent Mignot, directeur général d’Auchan France, et Jean-Denis Deweine, directeur de l'offre et des achats internationaux.

Nous avons mis à profit cette année mouvementée pour préparer au mieux l’avenir. Dans presque tous nos pays, nous avons été reconnus comme l’enseigne la moins chère. Nous avons signé des partenariats stratégiques (…), démontré notre capacité à créer de la valeur patrimoniale (…). Enfin, en investissant plus de 2 Mds € en 2014, le Groupe marque sa confiance dans l’avenir de ses métiers, en zone euro comme dans les zones de développement rapide. Et 2015 devrait donc être à nouveau une année de croissance.

11e groupe mondial de distribution. Il appartenait donc aux opérationnels, Xavier de Mézerac, directeur financier de Groupe Auchan, Vincent Mignot, directeur général d’Auchan France, deux habitués de l’exercice, et Jean-Denis Deweine, directeur de l’offre et des achats internationaux, nouveau dans l’exercice, de commenter et d’expliciter les résultats 2014 le lundi 9 mars 2015 dans les salons de la maison des Polytechniciens à Paris – une première aussi pour les journalistes jusqu’ici conviés au siège à Croix, le parisianisme y a gagné, mais pas la connaissance terrain du Nord ! – à l’inverse des analystes financiers réunis dans la capitale.

Est-il besoin de rappeler ce qu’est Auchan ? Quelques chiffres : le 11e groupe de distribution alimentaire mondial présent dans 16 pays, 330 700 collaborateurs, 89,8% du capital détenu par la famille Mulliez et 10,2% détenu par 163 000 collaborateurs actionnaires en équivalent templs plein (11,2% en 2013 par 160 500 collaborateurs), 2,62 milliards de passage clients en caisse en 2014 (2,3 en 2013), cinq activités autonomes et complémentaires que sont les hypermarchés, les supermarchés, l’immobilier commercial, Oney Banque Accord et les autres activités (e-commerce, drive, Alinéa, Little extra…) et toujours trois grandes zones de présence et de développement : Europe occidentale, Europe centrale et de l’Est et Asie.

Aux 2/3 hors de France. Que retenir des chiffres de l’exercice 2014 ? Un chiffre d’affaires hors taxes consolidé en augmentation de de 11,2 % (+14,7% à taux de change constant) à 53,454 M€, mais seulement de 4% hors essence, hors effets de change et retraité de la consolidation de Sun Art Retail Group à 100%, exclusivement du fait de l’expansion (+ 5%). A magasins comparables hors essence, la performance a reculé de 1%. Des résultats qui doivent beaucoup aux bonnes performances enregistrées en Europe centrale et de l’Est, + 5,9%, et en Asie, + 96,4%, + 5,8% retraité, car les activités du groupe ont reculé de 2,2% en France et de 6% en Europe occidentale.  A fin 2014, 63,2% du chiffre d’affaires d’Auchan était réalisé à l’international et 43,8% hors zone Euro.

Si, à 2,591 Mds €, l’EBITDA a progressé de 2% à taux de change constant (- 1,7% à taux de changes courants) avec un taux de marge commerciale qui recule de 23,2 % à 23%, le résultat d’exploitation affiche une baisse sensible de 13%  à 1,161 Md€ et le résultat net de 2,3% à 787 M€. Les investissements courants (2,050 Mds €) et acquisitions de titre ont atteint 2,103 M€ en baisse de 17,7%. Par métier, ce sont les hypermarchés qui se sont taillés la part du lion à 1,319 Md € à 64,3% du total devant l’immobilier commercial (269 M€) et les supermarchés (397 M€). A noter encore que l’endettement du groupe a été singulièrement réduit à 1,833 Md €, -42,1%, soit 15,9% des capitaux propres, contre 30,9% à fin décembre 2013

Par métier, les hypermarchés avec un chiffre d’affaires ht consolidé de 43,6 Mds € en 2014 ont progressé de 14,7%, mais retraité de la consolidation des activités chinoises, de seulement 1,2%. En France, le chiffre d’affaires consolidé ressort à 14,6 Mds € en recul de 1,7% à magasins comparables et hors essence. Dans cette division, la France ne représente plus que 33,5% de son chiffre d’affaires. Les activités supermarchés ont affiché une baisse de 3,1% à 7,6 Mds € et de -0,6% à magasins comparables, hors essence et à taux de changes constant. La bonne tenue, + 5,8%, des opérations en Europe centrale et de l’Est compense le recul constaté en France (-1,8% et – 0,8% à comparable hors essence) et surtout en Europe occidentale hors France (-7,7% et -3,7% retraité des variations de périmètre). A noter qu’en juin 2014 un contrat de partenariat a été signé avec CT Group du Vietnam pour de premières ouvertures cette année.

« Acheter mieux pour vendre moins cher ». Pour symptomatique qu’elle soit de l’activité du groupe et des difficultés que ce dernier a pu rencontrer en 2014, cette succession de chiffres ne traduit pas l’entièreté de l’activité du groupe. Jean-Denis Deweine, directeur de l’offre et des achats internationaux, y a apporté sa touche lors de l’évocation des faits marquants 2014. Le premier a mis en exergue la concrétisation de la stratégie indiquée dès avril 2012 : « acheter mieux pour vendre moins cher avec, partout, de vrais professionnels à l’achat ». Cette recherche de convergence à l’achat, de massification et de la taille critique pour être parmi les trois leaders dans chacun des pays où l’enseigne est présente a abouti à trois accords de partenariat à l’achat en 2014, deux à l’échelon national, le premier signé le 11 septembre 2014 avec Système U sous forme de mandat de négociation donné à Eurauchan portant sur les marques nationales et internationales et le second avec l’Italien SISA, et un au niveau international signé le 22 octobre 2014 avec Metro Group sur deux volets, les négociations « on top » et le sourcing international en particulier sur le non-alimentaire.

Ces signatures ont connu des prolongements en 2015, le premier et le plus marquant est le projet d’approfondissement du partenariat avec Système U annoncé le 12 février en vue de constituer une alliance reposant sur une stratégie commune plus approfondie dans le domaine des achats et de recherche de synergies  dans les domaines du développement, de l’organisation des réseaux et des fonctions commerciales et organisationnelles. “Dans le respect des instances représentatives, nous sommes  en train d’investiguer“, a indiqué Jean-Denis Deweine avant de préciser, “travailler à la remise d’ici à la mi-mars du dossier à la Commission Européenne qui pourrait le renvoyer aux autorités de la concurrence françaises“. « Nous sommes prudents, ces dossiers peuvent prendre du temps », a ajouté Xavier de Mézerac. Le deuxième prolongement de cette stratégie aura été l’accord signé le 12 janvier 2015 en Espagne cette fois entre la centrale d’achat de Groupe Auchan avec Euromadi Ibérica SA sur la négociation des 3 500 articles en marques propres d’Alcampo et de Simply Market.

Cap sur les MDD en non alimentaire. Cette recherche de taille critique trouve une autre illustration avec la montée en puissance de la direction des achats internationaux créée en 2012 sur un deuxième axe stratégique majeur qu’est le lancement de produits MDD en non alimentaire. Pour toujours croire en la formule de l’hypermarché, Auchan doit pouvoir s’appuyer sur un secteur non alimentaire performant. « Pour lui donner un nouvel élan et un nouveau challenge, nous allons nous appuyer sur une démarche extrêmement volontariste de marques propres sur 7 univers produits que nous allons préempter pour challenger et titiller les grands spécialistes », a encore indiqué Jean-Denis Deweine. Si la marque In Extenso est connue de longue date, elle est appelée à devenir à 100 % la marque d’Auchan en matière de textiles. Qilive en équipement de la maison, plus de 1 000 références, est déjà présente dans 10 pays et va faire son entrée en Chine cette année. En parfumerie, Cosmia démarrera par l’Espagne, puis le Portugal avant la France. Dans l’univers bébé, Baby sera la marque du jouet premier âge et de la puériculture quand Cup’s, Actuel, Airport cibleront les univers respectivement des sports/loisirs, de la maison et des voyages. « Ces produits arriveront progressivement dans le courant de l’année 2015 et leur développement est prévu sur l’ensemble de ces 7 univers d’ici 2017. »

« Une dynamique qui s’amplifie ». Et Auchan France ? Quelques bonnes nouvelles annoncées par son directeur général, Vincent Mignot, pour compenser la baisse de 1,7% à comparable et hors essence du chiffre d’affaires hors taxes causée par celle du prix de vente moyen (-1,9%) : les hausses de 0,9% du nombre de clients et de 0,3% du nombre d’articles vendus à comparables et des gains de parts de marché sur ses zones de chalandise. Si l’enseigne n’a participé qu’à regrets à la guerre des prix « destructrice de valeurs », elle n’entend rien lâcher sur sa stratégie, « être les moins chers sur le total ticket de caisse », en franchissant même cette année une nouvelle étape de son plan de reconquête 2014-2016 axée sur les axes prioritaires que sont le prix, l’offre et la « copie attitude ». Le recentrage sur le client qui s’est traduit notamment par un ajustement des structures managériales en magasin au profit de la création en 2014 de 485 postes d’employés en magasin pour une objectif de 500 sur la période et par un développement cross canal, est plus que jamais d’actualité.

Nous sommes sur une dynamique de retour de la croissance qui s’amplifie, s’est félicité Vincent Mignot. L’important, c’est qu’il y ait de plus en plus de clients en comparable dans nos magasins. En février, nous progressons en chiffre d’affaires et à partir de mars le comparatif sera plus favorable. Nous sommes sur une tendance de l’ordre de +1% en cumulé. 

Fort de signes encourageants, « une vraie dynamique commerciale, la poursuite du développement grâce à ses relais de croissance, la baisse de l’endettement », Xavier de Mézerac a, pour conclure cette présentation, repris les propos de Vianney Mulliez : « Nous sommes lucides sur la situation actuelle et sur nos résultats, nous avons montré la résilience de nos activités, nous préparons l’avenir avec confiance. »