Au lycée agricole, des jeunes passionnés, un avenir en pointillé
Vingt ans et tout sourire dans la cabine de...
Vingt ans et tout sourire dans la cabine de son tracteur.
"L'agriculture, c'est un métier d'avenir !", jure Dorian Wiart, élève du lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaine (Pas-de-Calais), conscient aussi que ses camarades et lui devront avoir les reins solides face aux difficultés du secteur.
Pour lui, l'agriculture est avant tout "une fibre" qui se transmet de génération en génération au sein de l'exploitation laitière familiale, à quelques kilomètres à peine du lycée --l'un des plus anciens de France.
"Une heure après les cours, je suis déjà à la ferme", explique cet étudiant en BTS, vêtu d'un gilet en laine des Jeunes agriculteurs, syndicat proche de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).
"J'y passe mes samedis, mes dimanches, mes jours fériés, mes vacances... Quand je parle avec des copains, on est tous comme ça", assure-t-il.
Lui ne semble pas voir ce quotidien comme contraignant.
Mais d'autres ont conscience des embûches à venir dans leur rêve agricole, que la mobilisation des derniers jours n'a fait que mettre un peu plus en exergue.
Certains l'ont exprimé à coup de pancartes lors des blocages: "Agriculteurs: jeunes on en rêve, adultes on en crève" ou encore "Aidez mes parents avant que je les perde. Jeune passionné, quel avenir ?".
Très, très compliqué
"Il ne faut pas compter ses heures, pas avoir peur de travailler jour et nuit, de ne pas en tirer de salaire", relève un autre élève du lycée, Anthony Dutoit, 20 ans lui aussi.
"Si on n'a pas la passion et la vocation, on ne peut pas s'en sortir", poursuit ce petit-fils d'agriculteur en formation de machinerie agricole. "Il y a beaucoup de contraintes par rapport aux précédentes générations", qui n'avaient selon lui "pas ces problèmes de normes", l'une des revendications des agriculteurs.
Le jeune homme se voit malgré tout devenir ouvrier agricole, et rêve de reprendre un jour une exploitation. Mais pour ceux qui ne viennent pas de familles d'agriculteurs, il faudra "avoir les reins solides", prévient-il. "Financièrement, c'est très, très compliqué."
Les 600 élèves du lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaine, dédié aux grandes cultures, "ne pourraient pas faire autre chose", assure Hugues Celerse, formateur en agro-équipement.
"C'est un métier-passion", insiste-t-il, tandis que ses étudiants poursuivent derrière lui leur atelier du jour: accrocher une lourde charrue en métal à un tracteur.
Lui qui forme aussi des adultes en reconversion professionnelle a observé depuis une dizaine d'années davantage de jeunes sans ancrage familial dans l'agriculture. Des lycéens "optimistes, sinon ils ne seraient pas là".
De tout coeur" avec eux
Nouveaux dans le métier, mais qui anticipent aussi les difficultés. "Quand on voit ce qui se passe en ce moment, on ne peut pas dire que c'est pour le plaisir qu'on fait ça, c'est par passion", souligne Gaëtan, 16 ans, qui dit avoir toujours eu cette vocation, sans s'expliquer son origine.
La mobilisation a "solidifié son envie", dit-il, "parce qu'on voit qu'entre agriculteurs, on est tous solidaires".
"Je suis de tout coeur avec les agriculteurs, c'est quand même notre avenir qui se joue actuellement", abonde Ilan, 16 ans, qui se rêve en héliciculteur, producteur d'escargots.
Le lycée, lui, se refuse à tout commentaire sur la mobilisation.
Quand des jeunes expriment des doutes, Hugues Celerse leur rappelle que les crises sont "cycliques". Il se souvient de mobilisations contre la politique agricole commune (PAC) dans son enfance.
"On est une jeune génération qui a envie de réussir dans le métier, qui se battra", insiste Dorian Wiart. "L'envie de beaucoup, c'est de protéger notre planète" et de maintenir l'agriculture française parmi "les plus qualitatives". "On y tient tous."
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