Architectes : «Loi ELAN : un dialogue à reconstruire»

Les parlementaires ont entamé l'examen du projet "Evolution du logement et aménagement numérique" (ELAN) contre lequel les architectes sont vent debout. La loi sera en débat au Parlement à la fin du mois.

Une cinquantaine de personnes, dont nombre d'architectes, ont suivi la table ronde.
Une cinquantaine de personnes, dont nombre d'architectes, ont suivi la table ronde.

Ils ont organisé le 17 mai une journée d’action nationale pour le logement à travers la France, notamment à Lille dans les locaux de la Maison de l’architecture et de la ville WAAO. L’occasion de mobiliser et de faire connaître et partager leurs motifs d’inquiétude. Les députés de la commission des affaires économiques ont commencé, le 15 mai, l’examen des près de 2 500 amendements déposés pour tenter d’infléchir le projet de loi gouvernemental “Evolution du logement et aménagement numérique” (ELAN), avant son passage au Sénat début juillet. L’objectif gouvernemental est une adoption de ce texte d’ici à l’automne. Pour autant, ce projet passe mal auprès des architectes et de leurs organisations professionnelles, Ordre et syndicats, qui ont organisé le 17 mai une journée d’action nationale pour le logement. En Hauts-de-France, cette journée a pris la forme d’une conférence de presse suivie de la table ronde «Loi ELAN : un dialogue à reconstruire».

Les raisons de la gronde

Elles ont été explicitées par le Picard Régis Thévenet, président du Conseil régional de l’ordre des architectes (CROA) Hauts-de-France, accompagné de son vice-président Emmanuel Pascual et de deux syndicalistes, Renaud Bellière et Gilles Denisse, respectivement présidents du syndicat U2A (Aisne) et UNSFA Nord – Pas-de-Calais. Leurs griefs ne manquent pas : «une espèce de loi fourre-tout, sans objectif clair et précis, répondant à une injonction gouvernementale de construire plus vite, mieux et moins cher, une triple injonction qui apparaît contradictoire et une équation impossible à tenir, dont les solutions proposées ne paraissent ni pertinentes ni réalistes, a dénoncé le président régional. Il y a un risque sur la qualité du logement au final, notamment au niveau des aménagements, avec un retour aux erreurs du passé, les grands ensembles, les aménagements globaux avec des équipements publics qui pourront être réalisés par des aménageurs privés… On risque de privatiser l’aménagement et la production des logements sociaux. On sent une volonté d’aller vers un processus de déréglementation de la profession et de financiarisation du logement au détriment de la qualité et du cadre de vie». Et de pointer le démantèlement de la loi Maîtrise d’ouvrage publique (MOP), la suppression de l’obligation d’organiser un concours pour la construction de logements sociaux, la création par les bailleurs sociaux de filiales privées intervenant dans le champ concurrentiel, la prolongation jusqu’en 2021 de l’autorisation pour les bailleurs sociaux d’utiliser librement la conception-réalisation, les grandes opérations d’urbanisme (GOU), porteuses d’un risque de spoliation des maires de leurs responsabilités au profit des intercommunalités… Autant de «points d’inquiétude» qui mettent la profession, et au-delà, pour des raisons qui leur sont propres, les associations de personnes souffrant d’un handicap, les Architectes des bâtiments de France, les bailleurs sociaux, «vent debout» avec l’espoir que «le sursaut peut venir»…

Les parties prenantes de la table ronde : de gauche à droite, Régis Thévenet, Marguerite Deprez-Audebert, François Andrieux, Sylvie Ruin et Renaud Bellière.

«Ne nous évincez pas…»

C’était d’ailleurs l’un des intérêts de la table ronde qui a suivi et rassemblé, autour de Renaud Bellière et Régis Thévenet, la députée Modem de la 9e circonscription du Pas-de-Calais, Marguerite Deprez-Audebert, membre de la commission des affaires économiques, mais aussi Sylvie Ruin, directrice de l’Union régionale de l’habitat Hauts-de-France qui regroupe 65 organismes HLM, et François Andrieux, directeur de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (ENSAPL). La députée a rappelé «la vraie sensibilité des parlementaires et en particulier ceux du Modem sur le sujet», spécialement du fait de la frustration des élus (locaux) au constat de la difficulté à faire aboutir un projet avant la fin d’un premier mandat, elle qui, relativement au choc de l’offre, défend plutôt la revitalisation des zones détendues où le choc de l’offre n’est pas d’actualité, indiquant préférer, faisant allusion aux Hauts-de-France, une métropole qui irradie à une métropole qui aspire.

De son côté, attaquée par les architectes présents sur les positions du mouvement HLM, notamment ses demandes d’assouplissement du cadre législatif avec une sortie de la loi MOP et la suppression du concours obligatoire, Sylvie Ruin a défendu bec et ongles ses prises de position. Elle a rappelé le contexte qui y a conduit et la conviction profonde du mouvement de lutter contre la privatisation de la production du logement social et sa financiarisation, plaidant pour une définition de la maîtrise d’ouvrage sociale, pour un recours au concours «selon la finalité et les résultats attendus», explicitant aussi le refus de filialisation inscrite dans le projet de loi au profit d’un élargissement des compétences des bailleurs à inscrire dans leur objet social, en réponse aux besoins de prestations de services à la personne et d’ingénierie urbaine…

«Nous sommes des professionnels de la construction, garants de la qualité architecturale, mais aussi de la qualité finale. Ne nous éliminez pas, discutons entre nous, le temps est très compté avant l’adoption du projet de loi. Ne nous évincez pas du processus de construction.» Les architectes craignent pour leur devenir. A tort ou à raison ? Régis Thévenet, leur président régional est en tout cas optimiste : les architectes auront toujours leur rôle à jouer !