Apteeus cherche des molécules contre le Covid-19

Émanation de l’Université de Lille, de l’Inserm et de l’Institut Pasteur à Lille qui l’héberge sur son campus depuis sa création en 2014, Apteeus a été cofondée par Terence Beghyn et le professeur Benoît Deprez. Le premier est docteur en pharmacie et en chimie thérapeutique, le second, pharmacien et professeur en chimie thérapeutique. Avec leurs quatre collaborateurs, ils travaillent à la découverte de médicaments et au repositionnement pour le traitement des maladies génétiques. Apteeus a décidé de mettre son savoir-faire et son expérience au service de la lutte contre le Covid-19.

Les équipes d'Apteeus recherchent des molécules actives pour lutter contre le Covid-19. (photo d'archive)
Les équipes d'Apteeus recherchent des molécules actives pour lutter contre le Covid-19. (photo d'archive)

«Notre activité consiste à faire de la R&D de médicaments dans le domaine des maladies génétiques. Elle est scindée en deux : l’une que l’on pourrait qualifier de service aux associations de patients touchés par une maladie génétique et l’autre qui concerne le développement de médicaments», explique Terence Beghyn. Apteeus a par exemple identifié un médicament pour lutter contre l’épidermolyse bulleuse, une maladie génétique de la peau, et travaille sur cette pathologie depuis maintenant trois ans. «Nous cherchons aujourd’hui un partenaire pour entrer en essai clinique, poursuit Terence Beghyn. Apteeus se distingue de l’industrie pharmaceutique où les molécules développées ne sont pas connues. On doit donc tabler sur dix à quinze ans de développement avant l’arrivée sur le marché. Nous, nous sommes vraiment spécialisés sur le repositionnement de médicaments c’est-à-dire la réutilisation de médicaments déjà disponibles et sur lesquels on a déjà beaucoup de données, d’où un développement à cinq ans maximum.»

2 000 molécules testées

Si cette approche est relativement répandue, Apteeus se distingue en la systématisant pour tous les patients et, à l’échelle individuelle, en étant en mesure de mener ses projets de recherche – financés par les associations de patients –  pour une seule personne. «Il y a des maladies génétiques qui touchent un Français et une dizaine de personnes dans le monde par exemple. Pour ces patients, nous sommes en capacité de nous positionner et de leur trouver une solution thérapeutique», assure Terence Beghyn. Apteeus travaille aujourd’hui avec cinq associations de patients, de France, et espère lever des fonds pour se lancer à l’international. «Lorsqu’on débute un projet, on procède à une biopsie de peau sur le patient, à partir de laquelle on récupère des cellules, porteuses du défaut, que l’on arrive à mettre en évidence en cultivant les cellules», détaille-t-il.

Lorsque le défaut in vitro a été identifié, Apteeus teste 2 000 molécules [ndlr, soit quasiment l’ensemble des molécules ayant été approuvées dans le monde] – toutes des principes actifs de médicaments – directement sur les cellules pour corriger ce défaut in vitro. «Si l’on trouve une molécule dont le profil d’utilisation n’est pas trop risqué, on propose au médecin qui suit le patient de la tester, il s’agit d’un ‘usage compassionnel’, lorsque aucune autre solution n’a été trouvée», précise Terence Beghyn.

Recherche de traitement

Forte de cette expérience, Apteeus s’est logiquement tournée avec la crise sanitaire vers la recherche d’un traitement pour lutter contre le Covid-19. «Ce que l’on propose avec l’Institut Pasteur de Lille, c’est d’avoir cette même approche avec le Covid-19. Les équipes de l’Institut maîtrisent la culture cellulaire et la culture du virus, que l’on récupère sur des patients infectés, et nous testons nos 2 000 molécules directement sur le virus en espérant trouver quelque chose de plus efficace et mieux toléré que la chloroquine, qui exerce une certaine toxicité en fonction de la dose.»

Dès février, Apteeus s’est rapproché de l’Institut Pasteur pour mettre sur pied ce projet. Les virologues de l’Institut – dont certains de renom, comme Jean Dubuisson – mettent actuellement au point le test. Apteeus collecte de son côté un maximum de molécules lui manquant jusqu’à sa mise au point. «C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons mis en ligne une cagnotte*, pour que le grand public puisse participer à notre recherche en contribuant à l’achat de molécules.» Au 17 avril, 2 741 euros – soit une cinquantaine de molécules –, sur les 10 000 demandés, avaient été collectés en 25 participations.

«Des idées de traitement, nous en avons. Beaucoup de scientifiques formulent des hypothèses, et si nous n’avons pas la molécule en question, nous devons absolument nous la procurer pour la vérifier. Nous sommes les seuls à pouvoir tester les molécules directement sur le virus grâce aux installations ultra-sécurisées de l’Institut. Une fois le test de l’Institut Pasteur opérationnel, Apteeus mettra une semaine pour tester les 2 000 molécules, et nous devrions assez rapidement avoir le nom de certaines molécules actives.» Apteeus et l’Institut Pasteur font partie d’un consortium européen pour essayer de désigner des molécules ayant une couverture beaucoup plus large, sur tout le Coronavirus, pour un traitement plus universel en cas de mutation du Covid-19, ou d’une prochaine pandémie.

*https://lacagnottedesproches.fr/cagnotte/vite-un-medicaments