Après l'abandon d'un projet de Mémorial du terrorisme, les victimes dénoncent un manque de "respect"
"Manque de respect", "indigne", "incompréhensible": les associations de victimes du terrorisme ne décolèrent pas depuis l'abandon du projet de Mémorial, annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron et sur lequel...
"Manque de respect", "indigne", "incompréhensible": les associations de victimes du terrorisme ne décolèrent pas depuis l'abandon du projet de Mémorial, annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron et sur lequel elles travaillaient depuis plus de cinq ans.
Sans consultation préalable, la décision a été annoncée par Matignon au président et à la directrice de la mission de préfiguration du Musée-Mémorial du terrorisme, l'historien Henry Rousso et l'ancienne déléguée interministérielle, Elisabeth Pelsez.
Aux porteurs du projet, qui oeuvraient à offrir un lieu d'hommage à toutes les victimes du terrorisme en France et à l'étranger, le gouvernement a justifié son désengagement par des "coupes budgétaires".
"C'est l'expression d'un mépris total tant pour les victimes que pour tous les acteurs du projet qui travaillent dessus depuis cinq ans", dénonce auprès de l'AFP Philippe Duperron, président de l'association 13onze15, regroupant les victimes des attentats du 13 novembre 2015.
"C'est un peu leur dire +vous n'êtes pas si importants que ça en fait+", abonde Danièle Klein, membre du bureau de l'Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT).
Elle déplore que la décision intervienne à quelques jours du verdict du procès de l'assassinat de Samuel Paty, et à quelques semaines de l'anniversaire des dix ans des attentats de Charlie Hebdo.
Annoncé par Emmanuel Macron le 19 septembre 2018 lors de la commémoration universelle pour les victimes d'attentats, le projet, estimé à 95 millions d'euros répartis sur huit ans, devait ouvrir ses portes en 2027 à Suresnes (Hauts-de-Seine).
Maladresse incroyable
Associées au projet et régulièrement sollicitées pour y contribuer, par exemple dans la rédaction d'un cahier des charges, les douze associations de victimes du terrorisme n'ont, elles, jamais été prévenues par les ministères.
Un manque de communication qui constitue "une maladresse incroyable" selon Danièle Klein, rappelant que les victimes d'attentats sont "des gens extrêmement courageux mais qui restent toujours fragiles".
"L'abandon de ce beau projet voulu par le président de la République et entamé il y a 6 ans est incompréhensible et constitue un manque de respect flagrant pour l'ensemble des victimes du terrorisme et leurs proches", a réagi sur X François Molins, procureur de Paris (2011-2018) pendant la vague d'attentats.
En guise d'alternative, le gouvernement a émis l'hypothèse d'ériger le mémorial national dans le jardin mémoriel conçu par la mairie de Paris pour les victimes des attentats du 13 novembre.
"Que l'on puisse confondre ce projet avec le jardin mémoriel [...] c'est vraiment n'avoir strictement rien compris", tacle Philippe Duperron, père d'une victime au Bataclan.
Car le musée-mémorial "est précisément pour faire la distinction entre un attentat ou une série d'attentats et toutes les autres victimes", résume Henry Rousso, alors que de nombreuses victimes se sentent parfois oubliées ou effacées par celles d'attentats d'ampleur.
Il était mené en partenariat avec d'autres musées et mémoriaux consacrés au terrorisme, dont ceux du 11-septembre à New York et de la tuerie d'Utoya en Norvège.
Lieu de transmission
Proposé par l'Etat et désormais abandonné, le site, une ancienne école en plein air construite en 1934 sur le Mont-Valérien, avait suscité "l'adhésion" des associations, qui y avaient vu un symbole alors que l'école est régulièrement ciblée par les terroristes.
"Ce musée, c'était pour nous une façon d'être proactifs dans la société, d'offrir notre expérience comme une matière pédagogique", explique Danièle Klein.
"Ce n'est pas un travail uniquement mémoriel qui est fait, c'est un travail aussi sur l'histoire de notre société", ajoute Elisabeth Pelsez, pour qui abandonner ce projet, c'est "se prive(r) d'un lieu de connaissances qui est multifacette".
Plus de 2.000 objets ont déjà été rassemblés pour constituer les collections du musée, principalement des pièces de justice et des dons de victimes d'attentats, notamment les vêtements portés par des enfants victimes à Nice ou par des otages.
Des dons à l'Etat portant une "charge émotionnelle et symbolique", relève Elisabeth Pelsez.
"Pour les victimes, c'est une longue démarche personnelle, très courageuse", précise l'ancienne déléguée ministérielle à l'Aide aux victimes.
"Ce musée nous permet de réparer, aussi, en expliquant qui on est, notre histoire, ce qu'on fait" résume Danièle Klein. "Et là on nous dit : +ça, ça ne nous intéresse pas finalement+".
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