Nouvelles pratiques managériales
Apprendre à manager dans l'incertitude
Le contexte sanitaire actuel bouleverse l’organisation et les relations de travail : processus décisionnel, fiabilité des consignes et délais, modalités de travail hybrides... L’enjeu ? Maintenir voire améliorer la performance de l’entreprise. Tout en se mobilisant pour le bien-être et la santé des collaborateurs et veillant à leur implication. Pour y parvenir, il faut adopter de nouvelles pratiques managériales. C’était l’objet de la webconférence du réseau Anact-Aract, le 19 janvier dernier.
«Avec la conjoncture, les managers doivent apprendre à manager dans le mouvement, dans la transformation, sans avoir de vision sur le long terme», constate Nathalie Gauvrit, chargée de mission à l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Pour s’en sortir, il leur faut recentrer le travail et leurs équipes sur un périmètre connu. Olivier Delpech, directeur QVT au sein du groupe de cliniques et d’hôpitaux privés Elsan, relève, lui aussi, que lors d’une crise, il est impératif de manager au plus près des équipes et d’adopter un management de proximité.
Avec trois préoccupations majeures : rassurer les équipes plongées dans l’incertitude sur la durée, trouver des solutions concrètes et rapides et s’adapter à des situations compliquées en impliquant les salariés. «Les cliniques où il y avait un management opérationnel proche du terrain s’en sont mieux sorties que celles avec un management hiérarchique éloigné du terrain.» Suite à une enquête d’engagement des collaborateurs d’Elsan, plusieurs problématiques ont été mises en avant : maintenir le lien du collectif, veiller à la santé et à la qualité de vie au travail des collaborateurs, faire face aux aléas et aux situations inédites et s’ancrer dans le travail réel en prenant en compte les équipes qui le réalisent.
Mieux connaître et échanger sur le travail des équipes
Pour aider les manageurs, l’Anact propose quatre leviers : connaître le travail, en discuter, le reconnaître et expérimenter les projets. «Le travail est la seule matière sur laquelle on peut agir», expose Ségolène Journoud, responsable du département élaboration des solutions de transfert au sein de l’Anact. Pour Nathalie Gauvrit, connaître le travail sous-entend percevoir la façon dont il est réalisé. «Il faut aller chercher les perceptions des collaborateurs et tout ce qui relève du non verbal pour évaluer leur engagement au travail.» L’idée : confier les transformations aux parties prenantes pour qu’elles s’impliquent et se les approprient.
Au sein des équipes d’Elsan, des tensions sont rapidement apparues au cours de la crise, remettant notamment en cause le manque de temps pour réaliser les tâches. «Nous avons mis en place un groupe de travail sur la charge de travail et sur la coordination entre deux métiers sur 24h, pour factualiser et nous inspirer des bonnes pratiques des équipes qui fonctionnent», explique Olivier Delpech. Objectif : «avoir un regard objectif sur les ’déterminants’ au travail», indique Ségolène Journoud. Deuxième levier : discuter le travail. «C’est une période propice pour engager plus de réflexivité», estime la responsable de l’Anact.
Chez Elsan, managers et salariés volontaires se sont réunis pour échanger. L’inquiétude ressentie par certains salariés était au cœur des problématiques. Pour y répondre, l’entreprise a mis en place de nouveaux moyens de communication, tels que des WhatsApp sécurisés. «Se mettre autour de la table permet de s’appuyer sur l’expertise du collectif, en partant de l’expérience du terrain, de nourrir les processus de décision. Donner la possibilité aux salariés de s’exprimer sur le travail est un gros levier de satisfaction et d’engagement. Cela leur permet de parler concrètement de ce qui les freine, de ce qui les aide ou qui leur manque pour bien faire et bien vivre leur travail», développe Nathalie Gauvrit. Le but : les impliquer dans les processus et élaborer des propositions collectives d’amélioration.
Trois niveaux de reconnaissance du travail
Troisième axe, reconnaître le travail, en prêtant une attention accrue aux collaborateurs. C’est reconnaître, indique l’Anact : le résultat du travail et l’atteinte des objectifs, l’activité et les efforts consentis, indépendamment des résultats, et enfin l’identité professionnelle – être reconnu comme une personne à part entière. Soit, ce que les collaborateurs «sont, font et obtiennent», explique Nathalie Gauvrit.
Quelques pistes pour y parvenir : d’abord sécuriser et soutenir le travail de ses collaborateurs. Ensuite, les mettre en situation de prendre des décisions et permettre à chacun de démontrer sa capacité à agir dans les situations de travail. Enfin, organiser une réelle délégation. Soit «Je te reconnais comme expert et je te confie la responsabilité, l’autonomie, les marges et les moyens pour agir.» En pratique, Olivier Delpech indique avoir célébré les victoires, reconnu la difficulté ressentie dans le travail, accepté les erreurs dues à l’organisation du travail et appris aux équipes à se donner le droit de dire quelque chose sur le travail. «La reconnaissance ne passe pas seulement par des espèces sonnantes et trébuchantes. Il y a d’autres façons de l’exprimer», conclut Ségolène Journoud.
Enfin, l’Anact propose d’expérimenter les projets pour remettre la créativité au cœur de la stratégie. Elsan a par exemple mis en place un sas à la sortie d’un service dédié au Covid, pour sécuriser les salariés qui étaient inquiets de rentrer chez eux le soir. Suite à leurs propositions pour engager et faire participer les salariés, Elsan a trouvé cette solution adaptée. Bilan : il est conseillé de résoudre les problèmes de manière collective en déléguant et en autorisant l’expérimentation et l’amélioration.