Apesa 02 aide les dirigeants en difficulté

Les deux tribunaux de commerce de l'Aisne, ceux de Saint-Quentin et de Soissons, s'unissent pour apporter une aide aux chefs d'entreprise en difficulté psychologique. Ils décident de créer une antenne axonaise de l'association Apesa (Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë), en partant d'un constat simple : « On ne s'occupe pas assez des chefs d'entreprise et pourtant cette souffrance, on la connaît, on l'a vécue parce que nous sommes nous-mêmes chefs d'entreprise et on la connaît au tribunal de commerce lorsque les situations sont compliquées, expose Arnaud Dameron, président du tribunal de commerce de Soissons. On s'occupe d'eux lors de la procédure et on leur demande rarement comment ils vont. Nous le faisons de plus en plus mais pas assez et il y a beaucoup de drames. »

L'angoisse et le stress des chefs d'entreprise

Si peu de données sur la santé mentale des chefs d'entreprise existent, la solitude de ces derniers est évoquée. Un chef d'entreprise sur deux souffre d'insomnie, 42% d'entre eux sont angoissés. « Personne ne peut comprendre s'il n'est pas confronté un jour à cela que quand le ciel s'assombrit, que les difficultés s'accumulent, les mauvaises pensées arrivent et peuvent aller jusqu'au suicide, explique Olivier Jacob, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Aisne, élu président d'Apesa 02. Des fois, le chef d'entreprise se retrouve désespérément seul et la honte peut l'envahir lors de l'échec. La culture française n'est pas tendre avec ceux qui se trompent de chemin et on nous fait croire que tout le monde peut devenir chef d'entreprise, ça n'est pas le cas, ça n'est pas facile techniquement et psychologiquement. Il manquait cruellement dans l'Aisne un dispositif pour les accompagner lors d'une cessation d'activité ou d'une reconversion. »

Le fonctionnement d'Apesa 02 sera basé sur le repérage des entrepreneurs en difficulté par des sentinelles qui seront spécialement formées pour détecter ces cas d'alertes. Une fiche d'alerte sera alors rédigée, envoyée à une plateforme qui rappellera la personne dans l'heure qui suit pour évaluer le niveau de difficulté et décider de lui offrir jusqu'à cinq séances chez un psychologue près de chez lui. « Un agriculteur se suicide tous les trois jours en France, et pour les autres chefs d'entreprise, nous n'avons pas de statistique mais même si c'est un par semaine, c'est beaucoup trop, c'est impossible, rappelle Gérard Blot, président du tribunal de commerce de Saint-Quentin. Nous allons apporter à ces entrepreneurs une solution psychologique là où en tant que juges, nous n'apportons aujourd'hui que des solutions juridiques et légales. C'est bien mais ça n'est pas ce qu'ils veulent entendre. »

Apesa 02 espère former au total entre 100 et 150 sentinelles qui peuvent être toutes les personnes en lien avec ces chefs d'entreprise en difficulté comme des conseillers de la CCI, des banquiers, des comptables, des mandataires judiciaires. « Une fois formés, ils pourront détecter des signaux d'alerte comme les mécanismes d'évitement, le déni, le lâcher prise d'une personne qui ne veut plus se battre et baisse les bras, souligne Philippe Sevrain, psychologue du travail au sein de Presoa. L'ensemble du procédé est simple, rapide, gratuit, confidentiel et anonyme pour les personnes prises en charge. »

Arnaud Dameron, président du tribunal de commerce de Soissons, ravi que son tribunal et celui de Saint-Quentin aient pu s'entendre pour créer une association Apesa unique pour l'ensemble du département de l'Aisne, rappelle quelques chiffres d'Apesa France : « Il y a eu en 2023, 2 300 alertes qui ont donné lieu à 1 546 prise en charge, ce qui prouve l'utilité du dispositif et la nécessité de sa mise en place », détaille-t-il. L'association en appelle aux dons des chefs d'entreprise afin de pouvoir fonctionner correctement et régler les factures des séances chez le psychologue qui seront offertes aux soignés.