André Pecqueur, un fringant septuagénaire
André Pecqueur, PDG de la brasserie de Saint-Omer, accorde rarement d’interview. Pour La Gazette, il a fait une entorse à cette discrétion viscérale.
La Gazette. M. Pecqueur, dans un an, la société créée en 1866 fêtera ses 150 ans…
André Pecqueur. Ça n’est pas cet anniversaire-là qui m’intéresse, voyez-vous. En 1866, je n’étais pas né (rires). Par contre, en 1985, on a racheté une entreprise locale, la Brasserie artésienne de MM. Calonne, Guilbert et Hache. Ce 30e anniversaire est bien plus significatif.
Pour celles et ceux qui ont connu le secteur entre le boulevard de Strasbourg et la rue Courteville d’une part, la rue de Calais et la rue Hector-Piers d’autre part, quel bouleversement ! Il fallait être un peu téméraires, un peu fous pour développer ainsi autour du siège initial, rue Edouard-Devaux ?
Je suis profondément attaché à Saint-Omer, mais c’est vrai que nous aurions pu transférer notre activité à Saint-Martin-au-Laërt. Ça nous aurait évité le rachat d’un garage, d’une ferme, d’un ancien cinéma et que sais-je encore ! Ça nous aurait évité pas mal de complications….
Vous avez fait d’énormes investissements pour vous intégrer dans cet environnement très urbain et réduire les nuisances olfactives, auditives ou routières…
Nos investissements annuels atteignent 7 à 8 millions d’euros HT. Parmi ceux-ci, une part non négligeable concerne l’environnement. Nous venons d’installer deux tours réfrigérantes (1,2 M€ HT), dernier modèle, moins bruyantes que les anciennes (-20% de décibels), et aussi moins gourmandes en énergie (-20% en eau et électricité). On est tranquille pour 15 ans, j’en aurai 87 ans! (Rires). Pour les désagréments liés à la circulation des camions, on a aménagé des places de stationnement dans la cour et on a équipé les remorques de coussins d’air. On a aussi installé des dispositifs qui diminuent sensiblement les odeurs liées à la fabrication de la bière.
On est encore loin des 7 ou 8 M€ annoncés…
Nous allons installer deux machines à packs de 6/8 /10 ou 12 canettes. Les deux nouvelles lignes de fabrication “made in USA” seront fonctionnelles, l’une fin novembre 2015, l’autre au 1er mars 2016. Coût : 2 millions d’euros HT, rendement accru de 10%. Nous avons acquis de nouvelles cuves et effectué de gros travaux d’entretien pour 3 M €.
La 2e Fête de la bière a éteint ses lampions et rangé ses tréteaux. Un bon cru ?
Tout à fait satisfaisant ! L’usine a accueilli un nombre de visiteurs en forte hausse, séduits par le remplissage des canettes en verre ou en métal et leur course folle sur les tapis. Je sais qu’au centre-ville, de nombreux groupes musicaux ont attiré une foule de jeunes et de moins jeunes. Je suis fier de créer cette animation et de faire vivre les bistrots et restaurants de la ville. Il n’y a pas eu d’incidents, il n’y a pas eu d’excès dus à l’alcool.
On vient d’évoquer Saint-Omer (la Brasserie) et Saint-Martin-au-Laërt avec les transports Saint-Arnould TSA. Les projecteurs de l’actualité sont braqués sur un troisième site : la future usine d’Arques, transfert des Brasseurs de Gayant de Douai. Les coûts et les délais seront-ils tenus ?
Ça coûtera un peu plus cher : 80 M€ au lieu des 60 prévus. Les premiers jus sortiront en septembre 2016. Il s’agit uniquement des bières artisanales produites à Douai : la Goudale, le Triple Secret des Moines, Grain d’Orge et la Belzébuth. Si les CHR (cafés, hôtels et restaurants) continuent à nous témoigner leur confiance en hausse, nous créerons de nombreux emplois et ça, c’est ma grande fierté ! La brasserie sera totalement finie au printemps 2017. Certains disent que ce site sur un très grand terrain signifie l’arrêt de la production audomaroise. C’est faux et stupide. Chaque unité conservera ses fabrications propres.
La situation économique mondiale impacte-t-elle votre activité commerciale ?
Non. 60% de notre production part à l’export : le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne… On a décroché un beau marché en Belgique, pourtant un grand pays brassicole. Nous fournissons aussi les antipodes (l’Australie) et bientôt 60 conteneurs, soit environ 60 camions, vogueront vers la Chine. Saint-Omer sera connu à Sidney et à Pékin grâce à la bière !
On évoque souvent la bonne santé financière du groupe…
Et on a raison ! Je suis le seul actionnaire , l’argent gagné n’est pas distribué en dividendes. Non : les bénéfices restent dans l’affaire. J’ai la confiance des banques, j’ai toujours respecté mes engagements et elles le savent. Et je continuerai à investir ! Je conclurai en répétant mon leitmotiv : j’ai une équipe formidable, j’ai aussi le bonheur de travailler avec mes deux gendres et mes deux petits-fils. Et ça, voyez-vous, c’est irremplaçable.
ENCADRE
− 180 salariés à la Brasserie de Saint-Omer
− 380 à TSA Saint-Martin-au-Laërt pour 250 “tracteurs” (camions et remorques)
− CA : 250 millions d’euros HT
− Production brassicole annuelle : 700 000 000 de bouteilles, 500 000 000 de boîtes et 300 000 fûts
- Marie Plumyoen, assistante de direction, devant les deux lignes de production, prochainement remplacées.