Alerte sur la disparition des TPE
LES TPE SONT PLUS NOMBREUSES À FERMER LEURS PORTES – SANS INCIDENT JUDICIAIRE – QU’À ÊTRE VENDUES OU TRANSMISES, LORSQUE LEUR DIRIGEANT PART À LA RETRAITE, D’APRÈS UNE RÉCENTE ÉTUDE DE LA BPCE. UNE SITUATION MAL APPRÉHENDÉE PAR LES POLITIQUES PUBLIQUES.
La grande vague tant attendue, celle des cessions de petites entreprises, portée par le départ à la retraite de leurs dirigeants âgés… n’aura pas lieu ! Telle est l’alerte lancée par la BPCE, groupe bancaire qui regroupe notamment quinze Banques Populaires et seize Caisses d’épargne. Ce 1er juin, à Paris, l’établissement présentait les carnets de BPCE l’Observatoire, avec une étude menée en début d’année auprès de 800 dirigeants de TPE, sur la transmission-cession de ces entreprises, et des analyses qui concernent aussi les PME. Des travaux qui démontent quelques idées reçues. Ainsi, donc, en lieu et place d’une avalanche de cessions d’entreprises, c’est à un tout autre phénomène que l’on assiste : dans les PME, les dirigeants, dont 20 % ont déjà plus de 60 ans, continuent de vieillir, engendrant sous-investissement et perte de performances. Dans les TPE, c’est pire. «On met la clé sous la porte», résume Alain Tourdjman, directeur des études et de la prospective du groupe BPCE. Concrètement, ces entreprises cessent simplement d’exister au départ à la retraite de leur dirigeant, entraînant la disparition d’emplois et de savoir-faire. Et si la France ne sait pas voir cette réalité, c’est parce qu’elle vit sur un «mythe», dénonce Alain Tourdjman : «on continue à croire que c’est la cession qui est liée à l’arrivée à l’âge de retraite des dirigeants. Ce qui n’est absolument pas le cas», dévoile-t-il. De fait, dans 83 % des cas, les cessions ou transmissions des entreprises interviennent avant le 60e anniversaire de leur dirigeant, d’après l’étude. Pour le reste, cette dernière dresse un panorama inquiétant de la reprise des TPE : en 2014, elle décompte environ 45 761 cessions de ces structures de moins de 10 salariés. Le baromètre ne prenant en compte que les sociétés commerciales (1,7 million sur 4 millions de TPE), les économistes de l’observatoire évaluent que leur chiffre est sous-estimé d’un quart environ. Au global, le taux de cession des TPE est de 2,7 %, deux fois moindre que celui des PME. À l’inverse, leur taux de disparition de l’ordre de 6 % atteint le double de celui des PME. Chez les dirigeants de TPE, l’étude identifie deux types de cédants : les sexagénaires, souvent créateurs de leur entreprise, qui sont plus de la moitié à juger que la cession sera difficile. «Ils vont rechercher une sorte de fils spirituel pour reprendre», précise Thomas Le Dret, responsable de projets entreprises chez BPCE. Second type de cédants, des quadragénaires, souvent repreneurs de la TPE, qui sont 62 % à être prêts à la céder en cas d’opportunité et se montrent plus ouverts que les premiers sur le profil du repreneur potentiel, même s’ils le veulent de qualité.
«LA CESSION D’ENTREPRISE NE MARCHE PAS»
Ces deux types de patrons se rejoignent sur un point : «la volonté de cession est majoritaire et consensuelle. Elle dépend assez peu de l’âge», précise Alain Tourdjman. Ainsi, près de 60 % des dirigeants se disent prêts à céder leur société, en cas de proposition. En prenant en compte les intentions des plus décidés, ce sont théoriquement 155 000 entreprises qui seraient potentiellement à vendre, soit beaucoup plus ce qui se passe effectivement. «On constate un écart abyssal entre la volonté de céder et la cession effective», constate Alain Tourdjman, qui souligne «un degré d’impréparation extrêmement problématique» chez les dirigeants de TPE. Même dans la tranche d’âge 50-59 ans, 23 % seulement ont pris des dispositions plus ou moins poussées pour leur succession. Parmi les freins cités par ces entrepreneurs, c’est le manque de temps qui arrive en tête, suivi du prix des conseils pour ces opérations. Et la conviction que la valeur d’entreprise est trop faible sur le marché joue aussi, qui incite les dirigeants, inquiets pour leur retraite, à continuer à travailler. Mais la quête du juste repreneur constitue aussi un enjeu, quand 83 % des dirigeants déclarent vouloir céder à une personne du métier, qui en maîtrise les savoir-faire. Plus globalement, «dans les TPE, la dimension humaine est irréductible (…) les enjeux symboliques valent au moins autant que les enjeux économiques», synthétise Alain Tourdjman. D’après les analyses de l’observatoire, chaque année, ce sont environ 75 000 cessions et reprises de PME, TPE et ETI (entreprises de taille intermédiaire) qui adviennent, et non 60 000 comme couramment avancé. Parmi ces cessions, 60 000 concernent les TPE et 15 000 les autres entreprises. Mais, même réévalué, ce chiffre constitue la preuve que «la cession d’entreprise ne marche pas», tranche Alain Tourdjman. Le fruit, selon lui, d’une politique économique qui, depuis les années 2000, s’attache à favoriser avant tout la création d’entreprise, et non le développement de celles qui existent déjà. Avec, comme résultat, un tissu économique qui se délite.