Agriculture: Jérome Bayle, éleveur occitan devenu figure du mouvement
Eleveur en Haute-Garonne où il a lancé avec d'autres le premier barrage routier des agriculteurs, Jérôme Bayle est devenu une figure de leur mouvement de colère, lui qui a été marqué par le suicide de...
Eleveur en Haute-Garonne où il a lancé avec d'autres le premier barrage routier des agriculteurs, Jérôme Bayle est devenu une figure de leur mouvement de colère, lui qui a été marqué par le suicide de son père dont il a repris l'exploitation.
A 42 ans, barbe drue et tête le plus souvent couverte d'un bonnet, l'exploitant installé à Montesquieu-Volvestre (Haute-Garonne) est devenu une figure médiatique, enchaînant les plateaux TV depuis le barrage de Carbonne, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de la ville rose.
L'homme assume cette nouvelle responsabilité, tout en confiant: "le but du jeu, ce n'est pas que j'en tire une gloire, le but du jeu, c'est qu'on arrive à vivre de notre métier".
A la tête d'une ferme de 90 vaches où il pratique également la polyculture, Jérôme Bayle ne se destinait pourtant pas au métier, puisqu'il avait suivi une formation en maçonnerie-ouvrages d'art.
Mais son parcours a basculé avec les difficultés puis le suicide de son père il y a une dizaine d'années. "Il n'allait plus, il faisait plus le boulot comme il faut, il se laissait aller alors que c'était un très bon éleveur", se souvient-il à propos de son paternel.
Balle dans la tête
Son engagement pour défendre l'agriculture date aussi de ce drame: "j'ai quand même trouvé mon père avec une balle dans la tête (à cause) de ce métier", dit-il.
Après le décès, "il s'est promis qu'il ferait de l'exploitation une belle ferme", confie Joël Tournier, son ami et camarade de mobilisation à Carbonne.
Les deux hommes se sont connus au rugby vers 27-28 ans, du côté du Sporting club de Saint-Girons, et "quand vous jouez ensemble sur le carré vert, après c'est pas pareil", confie cet éleveur-céréalier, comme son ami.
"Jérôme, c'est un meneur, c'est tous derrière lui. C'est quelqu'un qui ne triche pas, qui est entier, honnête et passionné par son métier, il fait tout à fond", explique-t-il.
A La Dépêche du Midi, sa mère qui, du haut de ses 75 ans, l'aide à la ferme pendant qu'il est sur le barrage, le décrit comme "un fonceur qui parle direct et assume toujours ses actes".
"Il lutte pour la survie des paysans. Il ne pense qu'à cela. Il ira jusqu'au bout", a encore confié la vieille dame au quotidien régional.
Vendredi, après les premières annonces de Gabriel Attal à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), il était sur place à quelques mètres du Premier ministre. La casquette jaune et violet avait remplacé le bonnet et l'agriculteur a eu droit à l'entretien en aparté qu'il souhaitait avec le chef du gouvernement.
Arrêter tout ça
Dans la foulée, il a confié qu'il avait invité M. Attal à venir dans la soirée sur le barrage de l'A64.
Dans une immense cohue mêlant agriculteurs, journalistes et badauds, les deux hommes ont cheminé sur les lieux du blocage, jusqu'à prendre tour à tour le micro face à la foule, chacun perché sur une chaise.
"J'ai fait que le porte-parole, j'ai fait que passer à la télé, parce qu'il en fallait un mais franchement si j'ai pas craqué, c'est parce que dans vos regards, votre détermination, je savais que vous ne me lâcheriez pas", a déclaré l'éleveur qui a voulu avant tout retenir de ce moment "l'aventure humaine".
"Si on s'est battu, c'est pour arrêter tout ça", a-t-il dit après M. Attal, en montrant les mannequins habillés en tenue de travail symbolisant les suicidés du monde agricole, suspendus à un pont au-dessus de l'autoroute.
"Ce soir, je vous annonce qu'on part pas non plus", a-t-il ensuite enchaîné en s'adressant au préfet d'Occitanie, "mais que demain midi l'autoroute pourra circuler", a-t-il ajouté, sous les applaudissements.
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