Agriculteurs: les tracteurs sont ressortis, la colère ravivée par la peur du Mercosur

Barrages filtrants, "feux de la colère"... Emmenés par les syndicats majoritaires, les agriculteurs ont manifesté lundi partout en France, en guise de prélude d'un nouveau cycle de mobilisations dirigées notamment contre...

Manifestation d'agriculteurs le 18 novembre 2024, à Avignon, dans le Vaucluse © Christophe SIMON
Manifestation d'agriculteurs le 18 novembre 2024, à Avignon, dans le Vaucluse © Christophe SIMON

Barrages filtrants, "feux de la colère"... Emmenés par les syndicats majoritaires, les agriculteurs ont manifesté lundi partout en France, en guise de prélude d'un nouveau cycle de mobilisations dirigées notamment contre un accord de libre-échange avec le Mercosur.

Moins d'un an après une mobilisation historique, les syndicats agricoles estiment que le compte n'y est pas. Ils ont à nouveau appelé leurs troupes à manifester mais en ordre dispersé, à l'approche des élections professionnelles qui se tiendront en janvier.

Ce scrutin à distance, auquel moins d'un agriculteur sur deux a participé en 2019, détermine la gouvernance des chambres d'agriculture et le financement public dévolu aux syndicats.

Lundi -- premier des deux jours du sommet du G20 au Brésil --, l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) a annoncé "85 points de manifestation" à travers le pays mais sans aucun blocage autoroutier.

Les autorités ont recensé "une quarantaine d'actions" mobilisant 2.500 personnes, selon une source policière.

La FNSEA répète qu'elle ne veut "pas ennuyer les Français", cherchant ainsi à se démarquer de la Coordination rurale (CR, deuxième syndicat agricole), coutumière des actions coup de poing et qui a beaucoup gagné en visibilité l'hiver dernier.

La CR attend la tenue de son congrès (mardi et mercredi) pour amplifier sa mobilisation. Elle promet "une révolte agricole" avec un "blocage du fret alimentaire" dès mercredi dans le Sud-Ouest si elle n'obtient pas de réponse à ses demandes (baisse des charges sociales, fiscales et du coût du carburant agricole, notamment).

Lundi soir, au cours d'actions FNSEA-JA, des "feux de la colère" ont été allumés. A Châlons-en-Champagne, il s'agissait de 12 feux (pour représenter les 12 étoiles du drapeau de l'UE) confinés dans des bidons, semblables à des braseros, devant la préfecture. Certains agriculteurs s'apprêtaient à passer la nuit sur place.

Par endroits, "il n'y a plus de jeunes qui s'installent (comme agriculteur), ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas envie, c'est parce qu'au bout d'un moment, on ne peut pas en vivre", a regretté auprès de l'AFP Théo Galichet, 29 ans.

Actions symboliques

A Bordeaux, plusieurs dizaines d'agriculteurs ont entassé et brûlé des ceps de vigne issus de l'arrachage de plusieurs milliers d'hectares dans le Bordelais, confronté à une surproduction.

Toute la journée, la FNSEA et son allié JA ont multiplié les symboles.

Les organisations ont planté des croix dans le Var pour évoquer le péril selon eux mortel que court l'agriculture française. Elles ont bloqué le pont de l'Europe qui relie Strasbourg à l'Allemagne pour lancer un message à la Commission européenne, qui semble déterminée à conclure rapidement un accord de libre-échange avec des pays latino-américains du Mercosur.

Négocié depuis plus de 20 ans, ce traité prévoit notamment des quotas d'importation de viande bovine avec des droits de douane réduits ou nuls.

Sur le pont de l'Europe d'Orléans, un barrage filtrant a provoqué quelques embouteillages. Des tracts, des pommes et du sucre ont été distribués aux automobilistes, a constaté l'AFP.

"C'est une action symbolique, le but n'est pas de pénaliser les Français mais de les inciter à consommer local et les sensibiliser sur nos revendications", a expliqué Damien Sagot, des JA du Loiret.

FNSEA et JA envisagent de se mobiliser jusqu'à la mi-décembre, en trois phases: contre la mouture actuelle de l'accord avec des pays du Mercosur, contre les "normes" jugées excessives et pour dénoncer des revenus considérés insuffisants.

La France explique depuis des semaines "chercher des alliés" dans l'UE pour repousser une signature du traité avec le Mercosur.

Depuis le sommet du G20 au Brésil, Emmanuel Macron a affirmé lundi que la France n'était "pas isolée" dans son opposition "en l'état" à cet accord commercial.

"Ce texte (...) parce qu'il est engagé depuis plusieurs dizaines d'années, repose sur des préalables qui sont caducs", a relevé M. Macron. Il a avancé l'idée de "repenser la relation avec cette sous-région".

Lundi, le ministre italien de l'Agriculture Francesco Lollobrigida a fait savoir qu'il considérait que cet accord n'était, "sous sa forme actuelle", "pas acceptable".

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau s'est "réjoui" sur France 5 de cette position alors qu'"on disait que l'Italie était déjà rangée du côté des favorables".

"On voit que petit à petit, le débat grandit en Europe et c'est bienvenu", a commenté l'eurodéputée LFI Manon Aubry sur RTL. Elle estime toutefois que "la stratégie (du président français) Emmanuel Macron -- comme des quelques rares alliés qu'il a au niveau européen -- c'est d'ajouter quelques annexes pour faire joli (...) mais quand même (...) de nous imposer de force cet accord de libre-échange".

Au G20, le chancelier allemand Olaf Scholz a réaffirmé que l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur "devait enfin être bouclé".

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