Affaire Théo : trois policiers condamnés à des peines de 3 à 12 mois de prison avec sursis

Trois policiers ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 mois de prison avec sursis vendredi par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour l'interpellation violente en 2017 de Théo Luhaka, jeune homme...

Théo Luhaka arrive à l'ouverture du procès des trois gardiens de la paix, le 9 janvier 2024 à Bobigny © Thomas SAMSON
Théo Luhaka arrive à l'ouverture du procès des trois gardiens de la paix, le 9 janvier 2024 à Bobigny © Thomas SAMSON

Trois policiers ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 mois de prison avec sursis vendredi par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour l'interpellation violente en 2017 de Théo Luhaka, jeune homme noir érigé en symbole des violences policières. 

Ce verdict, rendu sept ans après les faits, était très attendu alors que la question de l'usage de la force par les policiers ne cesse de ressurgir, en particulier depuis la mort de Nahel, 17 ans, tué à bout portant par un fonctionnaire lors d'un contrôle routier en juin.

Après plus de neuf heures de délibéré, le gardien de la paix Marc-Antoine Castelain a été reconnu coupable du coup de matraque qui a grièvement blessé Théo Luhaka, alors âgé de 22 ans, dans la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 2 février 2017. 

Ce policier a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer sur la voie publique et de détenir une arme pendant cinq ans. 

Des peines de trois mois de prison avec sursis ont été prononcées à l'encontre de ses collègues Jérémie Dulin et Tony Hochart pour violences volontaires. Ils ne pourront pas intervenir sur le terrain ni détenir une arme pendant deux ans. 

Ces condamnations sont en-deçà des réquisitions de l'avocat général qui avait demandé de trois mois à trois ans de prison avec sursis.

Les trois magistrats et les six jurés de la cour d'assises n'ont pas retenu la qualification "de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente". 

- "La vérité est sortie" - 

Le verdict a été prononcé dans une salle comble de soutiens de Théo et de policiers en civil.

A sa sortie, Théo Luhaka a été accueilli par une salve d’applaudissements. Visiblement ému, au côté de son avocat, il ne s'est pas exprimé. "Tout me convient, tant que [les policiers] sont condamnés", avait-il dit la veille.

"C'est une décision d'apaisement que nous prenons comme une victoire", a réagi Me Antoine Vey, avocat de la partie civile, après l'énoncé de la sentence. "Cette décision vient dire une fois encore que Théo était victime ce jour-là. Que rien ne justifiait qu'il ait été battu", a ajouté l'avocat.

"On préfère regarder le côté positif de la condamnation (des policiers) qui a été retenue", a ensuite résumé la soeur de la victime, Amélie Louvel, sur BFM TV. "La vérité est sortie, Théo n'est pas un dealeur, il est sorti (de chez lui ce jour-là) parce que je lui ai demandé de me rendre un service" en faisant une course, a-t-elle répété. "Il est infirme" depuis, "mais n'a jamais été dans la vengeance".

De son côté, l'avocat du principal accusé, Me Thibault de Montbrial, a accueilli le verdict comme un "immense soulagement" pour le policier. "Pour la première fois aux yeux de la France entière, il est établi le fait, comme il le dit depuis le premier jour, qu'il n'est pas un criminel", s'est-il réjoui. 

A la sortie de la cour d'assises, de nombreux militants ont dénoncé "des mascarades". "A quand du ferme pour la police ?", ont-ils scandé avec colère, tenant en main des affiches montrant les visages de personnes décédées à la suite d'interventions policières. 

"Le message envoyé à la police c'est +vous pouvez mutiler, tuer, vous aurez du sursis+", a tancé Amal Bentounsi, fondatrice du collectif "Urgence la police assassine".

L'association SOS-Racisme a appelé le ministère de l'Intérieur à "engager des réformes", estimant que "ce qui s'est passé est le fruit de préjugés non dénués de racisme, d'une philosophie du maintien de l'ordre fondé sur la confrontation, du manque de formation des policiers et des défaillances de l'encadrement au sein de la police nationale", dans un communiqué.

  

Vie brisée

La vidéosurveillance avait fait basculer l'affaire Théo, provoquant l'émoi jusqu'au sommet de l'Etat. Le président François Hollande était allé rendre visite au jeune homme, pendant sa convalescence à l'hôpital.

Les images de l'interpellation, visionnées et disséquées de nombreuses fois pendant le procès, montrent Théo Luhaka, alors âgé de 22 ans, dos au mur, pris en étau par deux fonctionnaires de police, lorsqu'il reçoit un coup avec la pointe d'un bâton télescopique de défense (BTD).

Ce coup d'estoc provoque la rupture de son sphincter (muscle de l'anus) avec une plaie de dix centimètres de profondeur. Malgré deux opérations chirurgicales, Théo Luhaka souffre à présent d'incontinence et garde des séquelles irréversibles, selon les experts médicaux. Au cours de l'audience, il avait confié s'être "senti violé". 

Le fonctionnaire de police avait exprimé sa "compassion" après avoir provoqué la grave blessure mais avait estimé qu'il s'agissait d'un "coup légitime", "enseigné à l'école".

Au coup de matraque, s'ajoutent des tirs de gaz lacrymogène, des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix quand Théo était menotté au sol.

Les trois agents de la brigade spécialisée de terrain (BST) avaient été mutés dans leurs régions d'origine. Avant le procès, la préfecture de police de Paris a fait savoir que "d'éventuelles sanctions disciplinaires seraient prononcées" à l'issue de la décision judiciaire. Les gardiens de la paix condamnés risquent la radiation.

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