Entreprises
À Woippy, l'Adie Moselle permet de franchir le sas de l'entrepreneuriat informel à celui immatriculé et déclaré
Du 5 au 9 février prochain, l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique organise dans le Grand-Est, dont la Moselle, une semaine thématique dédiée aux travailleurs informels, c’est-à-dire les travailleurs non immatriculés, non déclarés. L’Adie a réalisé dans ce cadre une toute première étude sur le profil de ces travailleurs qu’elle accompagne vers l’immatriculation et l’entrepreneuriat. Quels sont les freins et les peurs ? L’un de ces rendez-vous se déroulera à Woippy.
Dans les plus récents travaux de recherche, l’entrepreneuriat informel désigne un «secteur de l’économie dans lequel les transactions concernent des activités légales et possèdent une composante financière mais ne sont pas déclarées dans le cadre des obligations fiscales, sociales et de droit du travail, alors qu’elles devraient l’être.» Concrètement, pour qu’une activité soit officialisée en France, et donc reconnue comme formelle, un enregistrement au répertoire national des entreprises est nécessaire : on parle d’immatriculation de l’activité. Au sens juridique et statistique, on considère qu’une activité est immatriculée dès qu’elle obtient un numéro SIRET : ce dernier lui permet en effet d’être enregistrée officiellement. Trois grandes orientations se dégagent pour structurer les efforts visant à formaliser le travail informel : la dissuasion, l’incitation et la persuasion. La dissuasion apparaît souvent comme inadaptée dans la mesure où les inspections du travail se concentrent sur les entreprises immatriculées. Ce sont les mesures incitatives et persuasives qui jouent un rôle prépondérant en renforçant les avantages liés à l’emploi dans le secteur formel.
Des motivations hétéroclites
En France, l’emploi informel représente 9,8 % de l’emploi total et au sein de cette part, les travailleurs indépendants y sont représentés pour 33 %. Pourtant, les hommes et femmes de cette économie sont largement méconnus dans leurs pratiques, leurs motivations, leurs réussites et leurs parcours vers l’immatriculation de leur activité. Souvent pointés du doigt et pâtissant d'une image d'Épinal. À l’inverse du travail formel, l’entrepreneuriat informel, composé de travailleurs indépendants et de nouveaux entrepreneurs, échappe au champ traditionnel de la mesure économique du travail que ce soit en termes de nombre d’heures travaillées ou de chiffre d’affaires, et à la régulation de l’État. Pour autant, le travail informel n’en est pas moins une activité économique : il produit des biens ou des services et il crée de la valeur ainsi que des liens de solidarité dans les territoires. À ce titre, l’économie informelle n’est pas à confondre avec l’économie illégale qui comprend des activités criminelles ou encore avec l’économie domestique lorsque le travail s’exerce au sein du foyer. Dans tous ces secteurs d’activité, ces entrepreneurs se lancent pour plusieurs raisons. Pour certains, il s’agit d’une activité complémentaire à un emploi salarié. D’autres ne se lancent pas officiellement par crainte de perdre des aides sociales dont ils ont peur qu’au moins au début les revenus de l’activité ne compensent pas la perte. D’autres, enfin, sont des entrepreneurs à temps plein rebutés par la complexité des démarches administratives et freinés par la peur de voir une activité qui fonctionne bien s’écrouler sous le poids des charges découlant de l’immatriculation. Le plus souvent, c’est leur première étape pour tester une idée, un concept, une activité avant de trouver les bons conseils, le financement et le moment opportun pour prendre leur envol officiellement. Un état qui peut parfois durer bien trop longtemps.
Le rôle essentiel de l'Adie dans une formalisation efficiente
C’est dans ce contexte qu’intervient l’Adie dans l’accompagnement de ces entrepreneurs non déclarés vers l’immatriculation de leur activité. Cette phase s’appelle la formalisation. La méthode des conseillers et des bénévoles de l’association consiste en priorité à donner les moyens aux entrepreneurs de se projeter dans un développement économique de leur activité, puis à les sensibiliser aux avantages d’une immatriculation en termes de droits sociaux et pour sécuriser leur situation personnelle et familiale ainsi que celle de leur entreprise. Au premier rendez-vous, on parle d’abord de développement de l’activité́, pas d’immatriculation. Le financement de l’Adie a souvent un effet de levier, en donnant à l’entrepreneur la possibilité́ d’investir dans son activité́ et de régler les couts liés aux démarches d’immatriculation. 61 % des travailleurs informels sont des femmes, 34 % sont sans diplôme et 65 % exercent leur travail à domicile. Suite à un accompagnement par l’Adie, 78 % disent que leur activité s’est développée depuis la formalisation. 56 % que leurs revenus ont augmenté. 93 % se sentir légitimes dans l’exercice de leur activité. Pour rappel, l’an passé l’Adie Moselle a accompagné quelque 700 porteurs de projets pour un octroi de financement d’aides de 880 000 €. Au final, l’objectif est bien de donner une citoyenneté économique à ces entrepreneurs, sans les stigmatiser.
. Le rendez-vous mosellan : lundi 5 février de 10 h à 14 «L’entrepreneuriat, pourquoi pas moi ?» Chez Association Vers l’Espoir - 36 avenue de Thionville - 57 140 Woippy - accueil sans rendez-vous.
Frédéric Lavenir, président de l’Adie : «L’entrepreneuriat informel n’est pas un concept. Ni même une réalité réservée aux pays en voie de développement. Non, les petits entrepreneurs et travailleurs indépendants qui exercent sans immatriculation, loin des institutions et des politiques publiques, sont nombreux en France. L’écrasante majorité d’entre eux ne sont pas des fraudeurs. Ils sont simplement «hors-jeu», plus ou moins convaincus d’être broyés s’ils mettent le doigt dans la machine, parfois ignorants de ce qu’ils devraient faire pour déclarer leur activité ou effrayés à l’idée de le faire, le plus souvent inconscients des droits auxquels ils renoncent et des opportunités qu’ils perdent... Ils sont invisibles, absents des statistiques et en réalité nul ne sait qui ils sont. L’Adie quant à elle les rencontre quotidiennement et les connaît bien, les finance et les accompagne chaque jour avec bienveillance, professionnalisme et enthousiasme. Et elle agit pour les amener à régulariser leur situation, à «rentrer dans le jeu» - en leur démontrant que c’est leur intérêt et que ce n’est pas si compliqué. Avec le soutien des pouvoirs publics et de mécènes privés, l’Adie a construit et mis en œuvre à cet effet un programme spécifique d’accompagnement vers la régularisation, qui fonctionne avec succès depuis quelques années dans l’hexagone et Outre-mer. Nous plaidons pour que ce type de programme soit plus largement déployé et doté de moyens à la mesure de l’enjeu. Nous plaidons pour que les structures associatives impliquées dans cette action soient soutenues. Nous plaidons pour que l’environnement administratif soit le plus accueillant possible aux personnes engageant une démarche de formalisation : simplification des obligations déclaratives, accessibilité des services publics concernés – URSSAF, services fiscaux, France Travail, CAF…- Car la formalisation n’est pas seulement une obligation légale : c’est avant tout l’opportunité offerte d’une meilleure protection contre les aléas de la vie, d’un accès aux services bancaires, d’une capacité d’assurance contre les risques professionnels... Et c’est un chemin de citoyenneté et d'inclusion sociale.»