A quoi sert un club d’entreprises dans un musée ?

Le mécénat peut passer par différentes formes. Celui du club d’entreprises serait une invention régionale. Elle a été initiée par Arpège, le club d’entreprises de l’ONL, attaché à un orchestre national, suivie du club Regards & Entreprises, attaché au musée du LaM à Villeneuve-d’Ascq, qui fête aujourd’hui ses 20 ans.

A quoi sert un club d’entreprises dans un musée ?

Le hasard existe-t-il ? Alors que Sophie Lévy, actuelle conservatrice en chef du LaM, était encore en poste au Musée des impressionnismes à Giverny dans les années quatre-vingt-dix, elle vint au musée de Villeneuve-d’Ascq pour voir à quoi ressemblait le tout premier club d’entreprises formé pour soutenir un musée, dans le but de pouvoir le dupliquer dans sa structure normande. Ça n’a pas pu se faire à Giverny pour deux raisons. «Ce n’est pas un centre économique et il n’y a pas cet état d’esprit de rassemblement autour d’un projet comme on sait si bien le faire ici. Car ce n’est pas si simple de faire se rapprocher le monde de l’art et le monde économique», analyse la conservatrice en chef. A l’époque, le mécénat était surtout réservé aux très grands musées – parisiens – et avec quelques (grandes) entreprises, pour des mécénats en one shot, toujours individuels. Cette formule est d’ailleurs toujours valable actuellement, mais elle s’est démocratisée à tous les musées et à toutes les tailles d’entreprises, quels que soient leurs domaines d’activité.

Des intérêts partagés. Qu’apporte donc de plus le club d’entreprises par rapport à un mécène isolé ? «Le club permet d’aller au-delà d’une relation de ‹un à un›, pour former un groupe, riche de la diversité des secteurs économiques différents et de la taille des entreprises qui sont représentées», explique Sophie Lévy. Dominique Ferreira,  DG de Vinci énergies France Nord, tout juste nommé nouveau président du club cette année, va dans le même sens : «La notion de club, ou d’association, est très importante car elle rassemble nos différences autour d’un objectif commun : notre intérêt partagé pour le musée, c’est-à-dire une ouverture sur un monde différent, celui de l’art.» Pour le président de Regards & Entreprises, l’art est très différent du sport pour lequel Vinci est aussi un mécène : «L’art bouscule. Il interroge, il permet d’échanger, de partager des points de vue, il crée du lien, il ouvre les frontières. Le LaM, avec ses collections d’art moderne et d’art brut, mélange les genres, les styles, les époques. C’est un musée vivant, qui touche tous les publics, et donc tous nos salariés qui peuvent ainsi mieux le connaître, via les visites ou les soirées organisées pour eux.»  

Pour les salariés. L’implication des salariés à travers le mécénat de leur entreprise pour le musée est un élément important de sa réussite. C’est d’ailleurs l’une des valeurs phare qui avait poussé  Olivier Sartoris, responsable RH des 3 Suisses en 1992, à créer Regards & Entreprises.  «L’une des idées premières était de pouvoir faire l’éducation artistique du monde de l’entreprise à travers ce club», rappelle Sophie Lévy. Voilà pourquoi le nouveau président du club, dans la lignée du fondateur, parle de lien entre la culture et le monde des entreprises au lieu de parler du monde «économique». «Parce que dans ‹entreprise›, il y a les salariés», dit-il. Des salariés souvent fiers de participer à la vie d’un musée de leur territoire régional, et de bénéficier de son aura nationale voire même internationale, comme pour le LaM, aux dires du dirigeant de Vinci énergies France Nord. «Nous ouvrons le musée aux publics des entreprises pour les initier, à travers des visites privées et des soirées», confirme Sophie Lévy.

Pour le musée. Du côté du musée, les avantages d’un tel club sont aussi nombreux et vont bien au-delà de l’aide financière, dont les musées ne peuvent plus se passer aujourd’hui pour continuer à fonctionner correctement, même si elle ne représente qu’une petite part du budget total de fonctionnement,  comme ici. «Pour nous, en tant que musée, c’est extrêmement intéressant de pouvoir compter sur ces points de vue différents rassemblés dans une même entité, insiste Sophie Lévy. A travers les dirigeants ou les responsables de communication de ces entreprises, nous avons un écho, un miroir, des informations, un dialogue riche, régulier et décontracté sur leurs attentes et sur le monde d’aujourd’hui. C’est notre ancrage dans la cité.»

Une implication dans la vie du musée. Sous quelle forme un club participe-t-il à la vie du musée ? «Non seulement les entreprises du club sont les premières à être au courant de la programmation et des actions futures, mais elles peuvent aussi influer sur elles», explique la conservatrice en chef. Le club s’implique surtout au niveau financier, avec des sommes qui permettent de participer au budget d’une exposition ou bien d’une acquisition (ce sera le cas l’année prochaine), ou encore d’une restauration. Pour ses 20 ans, Regards & Entreprises a décidé de participer au budget de l’exposition, estampillée Lille Fantastic, “La Ville magique” en finançant les audioguides de l’exposition. Un financement exceptionnel pour un anniversaire qui compte et pour une exposition d’envergure internationale.

La participation au club n’empêche pas les entreprises d’être aussi mécènes individuels, comme le sont Vinci ou encore le Crédit du Nord, avec chacune un projet différent lié à leurs valeurs et à leurs secteurs. Et le club n’empêche pas non plus l’existence de mécènes ponctuels qui n’appartiennent pas au club, comme la fondation Plage pour l’art ou UGC pour “La Ville magique”, avec du mécénat de compétence ;  ou sur une saison complète, comme Canson avec du mécénat en nature, qui fournit les papiers des ateliers pédagogiques.

Mais Sophie Lévy avoue être «très attachée» à Regards & Entreprises : «Son atout est de faire un réseau. La dizaine d’entreprises, toujours présentes depuis le début et malgré la fermeture du musée pendant les quatre années de travaux, est soudée et fidèle. Il y a une loyauté incroyable.»  Pour ses 20 ans, le club a décidé de s’ouvrir, de recruter de nouveaux membres. Tout le monde est mis à contribution. «Il y a une dynamique forte qui s’est mise en place depuis la réouverture du musée, il y a deux ans, au sein du club», affirme le nouveau président avec enthousiasme. La participation financière du club à l’audioguide de “La Ville magique”, superbe exposition, en est un très bel exemple.

D’autres club d’entreprises existent dans les musées lillois : le Cercle des entreprises mécènes de La Piscine à Roubaix a été fondé en 2006, celui du MUba à Tourcoing en 2011. Celui du palais des Beaux-Arts de Lille est toujours en création.

 D.R.

Regards & Entreprises 

Participations à deux hauteurs d’investissement : 3 500 euros/an ou 9 000 euros/an.

Infos : www.musee-lam.fr