À propos de l’écoféminisme en entreprise…

Écoféminisme : le terme est apparu ces derniers mois en France et tend à investir les champs médiatiques et politiques. Dans son ADN originel, datant des années 70, il lie «oppression des femmes» et «destruction de la nature.» Cette philosophie de pensée radicale, en vogue, sert-elle vraiment la cause de l’entrepreneuriat féminin ? Éléments de réponse.

40 % des créateurs d’entreprises en France sont des créatrices, souvent avec des performances remarquables.
40 % des créateurs d’entreprises en France sont des créatrices, souvent avec des performances remarquables.

Le terme écoféminisme s’invite de plus en plus fréquemment dans le débat des idées politiques. Des intellectuels de renom s’en réclament, des manifestations sont menées en son nom. Il y a peu, le mot était inconnu en France. Paradoxe : il y fut forgé pour la première fois dans les années 70, sous la plume de l’écrivaine libertaire Françoise d’Eaubonne. Alors de quoi parle-t-on ? Voilà 50 ans, dans le contexte de la Guerre Froide et de la dissuasion par l’armement nucléaire, elle crée une théorie écoféministe qui s’intéresse à l’interconnexion entre l’écologie et le féminisme. Cette doctrine dénonce «la domination de l’homme sur la femme, caractéristique du patriarcat et celle des êtres humains sur la nature.» L’écoféminisme se définit «comme une lutte contre le système capitaliste productiviste qui exploite de manière intensive les ressources naturelles.» Dans sa remise en cause de notre process mondial, il note - et cela est une évidence - que «les femmes et la nature sont absolument nécessaires au bon fonctionnement de l’activité humaine et économique.» Ajoutant «sans être reconnues comme des actrices économiques à part entière.» Si le mouvement féministe modéré correspond à la juste cause d’émanciper les femmes et d’égaliser leur statut à celui des hommes et rallie quelque 60 % des Français (66 % des femmes âgées de 35 à 49 ans), l’écoféminisme est porté par une matrice beaucoup plus radicale, donc plus marginale dans l’opinion publique, même s’il gagne du terrain.

Des domaines restant à conquérir…

Dès lors, comment cela peut-il se traduire dans le monde de l’entreprise, dans un temps où celle-ci tend à se modeler dans un modèle plus éco-responsable et où les initiatives pour parvenir à un équilibre hommes-femmes sont pléthore et portent leurs fruits ? Dans ce combat de longue date, la clé du succès est sans doute hommes + femmes, davantage que hommes contre femmes. En 2021, 40 % des créateurs d’entreprises en France sont des créatrices. Une chiffre encourageant, même s’il faudra encore attendre quelque années pour la parité. Depuis vingt ans, le nombre de femmes entrepreneures est en constante évolution et les secteurs intéressants les créatrices se diversifient de plus en plus. Ainsi, 10 % des entreprises innovantes de la Tech étaient, en 2019, créées et gérées par des femmes. Après trois années d’existence, plus de 70 % de ces entreprises étaient toujours en activité. De manière générale, les femmes dirigeantes sont plus diplômées que les hommes. 72 % des entrepreneures en France sont titulaires d’un master au d’un doctorat. La majorité d’entre elles sont mariées et ont des enfants et doivent concilier vie familiale et vie professionnelle. Si les secteurs d’activité dans lesquelles les femmes entreprennent sont principalement le commerce, le social, les services aux particuliers, les études réalisées montrent que l’engagement de ces dirigeantes pousse la porte de domaines alors dominés par les hommes : l’automobile et l’industrie agroalimentaire. Il reste des terrains à conquérir. Le nombre de femmes se lançant dans le bâtiment, les biens et les équipements reste faible (7,7 % pour le BTP). Même constat dans le secteur du pétrole, la maintenance, les équipements de sport, la réparation. L’avancée de l’entrepreneuriat féminin, comme d’ailleurs plus globalement, la place de la femme dans l’entreprise, évolue et continue d’évoluer. Les mentalités changent, les lignes bougent. Les jeunes générations dépassent les codes jusqu’alors établis. Les conquêtes successives se font finalement sur un temps long, mais elles finissent par aboutir. Pas certain que dans son dogme jusqu’au-boutiste, à bien des égards, l’écoféminisme soit ici un vecteur de progrès pour la sphère entrepreneuriale. Les débats sont ouverts…