Entreprises
À Metz, l'accélération numérique des ETI au centre des débats
Suite à une étude nationale conjointement menée par le Medef et KPMG France, leader de l’audit et du conseil, quant à la digitalisation des ETI (Entreprises de Tailles Intermédiaires), le bureau de Metz de KPMG et l’Union des Entreprises de Moselle ont coorganisé un temps d’information sur le sujet. Déroulé au stade Saint-Symphorien, il a livré des analyses instructives et pertinentes.
«ETI : la grande accélération. Réussir simultanément les grandes transformations des ETI grâce au numérique». C’est l’intitulé de l’enquête réalisée auprès de 200 dirigeants d’ETI (ce modèle d’entreprises regroupent celles d’un effectif de 250 à 4 999 salariés, réalisant un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 1,5 Md€) par KPMG France, en partenariat avec le Medef. Elle confirme que face à cet enjeu de vitesse, le numérique est la transformation centrale qui permet d’accélérer toutes les transformations indispensables au cœur d’un modèle sociétal dont les lignes bougent et les codes évoluent. L’entreprise, actrice de notre époque aux multiples mutations, ne saurait ici être hermétique. Ainsi, ce que l’on appelait encore il y a peu à peu feutrés «transition digitale» s’est muée en «nécessité digitale».
Un virage numérique au cœur des crises
Le numérique impacte le modèle d’affaires, l’énergie et la décarbonatation, la cybersécurité, les ressources humaines et la gouvernance. Pandémie, crise climatique, contexte géopolitique, inflation : les crises se succèdent. Répercussions internationales ou soubresauts franco-français : les conséquences sont bien réelles, à différents échelons, dans des proportions et des intensités variées. Elles interrogent le modèle même de nos entreprises, leur utilité, leur impact dans leur process sur l’ensemble de notre corpus sociétal. Pléthore d’études révèlent une quête de sens qui essaime dans les strates de notre vivre ensemble, dont la sphère travail est évidemment concernée. Les ETI sont en première ligne sur le front de la transformation numérique, laquelle est vitale pour pouvoir assurer la pérennité et la poursuite du développement des activités des entreprises. Les ETI, en France, ce sont quelque 5 400 entités, représentant 25 % de l’emploi salarié, 30 % de l’investissement privé et 35 % de l’export de notre pays. Un poids socio-économique indéniable tout autant qu’un tissu solide pour aborder cette opportunité de transformation numérique. Quand, encore il y a peu, on pouvait se dire «qu’on avait le temps pour cela», la donne a à présent changé. Il faut marier l’urgence de cette accélération numérique au rythme qu'une ETI la mènera. Le timing de l'une étant différent de l'autre. Cela comporte un faisceau de facteurs et de circonstances liés à l’entreprise elle-même, à son histoire, à son secteur, à son territoire.
Au cœur des réalités locales
Cette grand accélération a été au cœur d’échanges prolixes au stade Saint-Symphorien. La présentation de la dite étude, doublée d’une table ronde d’acteurs locaux témoignant de leurs vécus et expériences en la matière, ont composé un temps d’information instructif à plus d’un titre, mené avec beaucoup de pédagogie explicative. Sylvain Weber, associé de KPMG au bureau de Metz, a ouvert cette matinale, en dessinant son déroulé. André Bousser, président de l’UE57, a , dans la foulée, replacé cette digitalisation au cœur des réalités locales. Lui-même entrepreneur, il est là un acteur et témoin privilégié des changements technologiques en cours et à venir. Le mouvement patronal mosellan, fort de ses quelques décennies d’ancrage, est un levier d’expérimentations pour préparer l’avenir, faire émerger et grandir des modèles de croissance durable. Car on peut difficilement imaginer un monde sans croissance : elle est le moteur d’une activité économique, en faisant sa prospérité. L’étude détaillée ensuite par Benoît Favre-Nicolin, associé de KPMG, et dont il est l’un des co-auteurs, a permis de mesurer les enjeux. Avec, en préambule, cette statistique, parlante et sans équivoque : «75 % des dirigeants d’ETI affirment que l’évolution de leur modèle d’affaires passera principalement par la transformation numérique.»
Numérique et impacts environnementaux
La numérisation des processus et celle de la relation clients ont été les premières étapes de cette dynamique. Les suivantes seront assurément l’excellence opérationnelle par les paramètres ayant trait à la réalisation des coûts, la personnalisation de la relation client et l’ouverture de nouveaux marchés par le e-commerce et le développement de stratégies de ventes omnicanales. On aurait tort de considérer la digitalisation comme entité à part des autres postes de l’entreprise. Elle y est non seulement associée mais imbriquée également, ce, dans chacun d’entre eux. La suite de l’exposé de Benoît Favre-Nicolin l’a explicitement démontré. Cette grande accélération des ETI ne saurait être étrangère à cet immense défi collectif qu’est la question environnementale, à laquelle sont liées la transition énergétique et la décarbonatation. Trois leviers d’action et de progression : l’optimisation énergétique qui passe par celle de l’exploitation des données, l’identification des opportunités de baisse de consommation, la gestion efficace de la dépense énergétique et le pilotage des équipements pour prévenir les pannes ; une gestion plus efficace des chaînes d’approvisionnement en rendant plus efficient les flux de transports et en accroissant des process plus courts en phase avec les attentes des clients ; renforcer la maîtrise de l’impact carbone de l’entreprise en y intégrant des pratiques écoresponsables et être capable de produire la totalité des indicateurs ESG (ce sigle désigne les critères environnementaux, sociétaux, de bonne gouvernance qui permettent l’analyse extra-financière des performances d’une entreprise). Ce triumvirat est particulièrement guetté par l’opinion public. Laquelle attend de l’entreprise qu’elle assimile les impacts environnementaux au cœur de ses décisions, qu’il s’agisse ici de la conception et du cycle de vie de ses produits, du choix de ses partenaires, de ses fournisseurs. Le consommateur citoyen a une exigence croissante : dépasser les déclarations d’intention pour passer à l’évaluation et à l’action concrète.
L'enjeu majeur de la cybersécurité
Il est un autre élément, primordial, pour l’ETI : la cybersécurité. Elle est une condition pour garantir la pérennité d’une entreprise, restant de la responsabilité du dirigeant. Dans un contexte où le nombre de cyberattaques est en recrudescence au sein des ETI, les chefs d’entreprise sont désormais pleinement conscients de ce risque majeur : près de 50 % le placent au premier rang de leurs préoccupations de court terme. Huit sur dix prévoient d’augmenter leur budget cybersécurité dans les trois prochaines années. Un fait qui se traduit également en matière de résilience, avec plus de deux dirigeants sur trois se déclarant dotés d’un plan de continuité opérationnel en cas d’attaque cyber. Une donnée qui met surtout en exergue le risque accru auquel s’exposent ceux qui le minoreraient et n’y seraient pas complètement préparés. Cette volonté de protection et de transparence se traduit par ailleurs par des obligations réglementaires, déjà en vigueur avec le Règlement Général sur la Protection des Données à caractère personnel (RGPD), ou à venir, avec la mise en place de l’obligation de facturation électronique, qui s’appliquera progressivement à partir du 1er septembre 2026. La transformation numérique solidifie ici le socle d’une cybersécurité optimale.
Transformation humaine et de gouvernance
Pour réussir cette grande accélération au cœur de leurs territoires, les ETI placent au premier rang de leurs priorités l’évolution des compétences, l’adaptation des fonctions, l’attractivité et la fidélisation des talents : l’adéquation est à trouver dans un paysage où la hausse des carnets de commande doit répondre à une pénurie de ressources humaines. L’adaptation des modes de travail est incontournable, quand on sait que la moitié des compétences qui seront nécessaires dans dix ans n’existent pas encore. Le renforcement de la marque-employeur et la transformation numérique sont les leviers de demain. Face à ces mutations permanentes qui ne feront que s’amplifier, les dirigeants d’ETI doivent accompagner ce changement pour lever les freins inhérents. Au demeurant, la finalité est bien de maintenir le degré de performance de l’entreprise et l’employabilité des collaborateurs, avec en filigrane, la reconceptualisation des parcours de carrière.
La clé du financement
Benoît Favre-Nicolin poursuivait son propos en évoquant un facteur clé : le financement de la transformation numérique. Ici, «75 % des dirigeants d’ETI voient cette maîtrise du financement et la mesure du retour sur investissement de leurs efforts numériques comme un élément primordial pour la poursuite et l’accélération digitale.» Alors que les usages numériques suivent une courbe exponentielle, la création de valeur et une logique de planification budgétaire plus élaborée sont incontournables. Cela passe par des budgets digitaux qui augmentent. Dernier point de cet état des lieux, la mise en lumière de trois pratiques adéquates. Elles se résument en trois termes. Incarner : pour les dirigeants d’ETI, réussir l’accélération numérique de leur entreprise n’est plus une option. À eux de définir le cap, d’incarner le projet, de partager une feuille de route, de porter les transformations de leur entreprise. S’entourer : face à ces changements stratégiques en cours, le besoin de s’adjoindre des compétences aptes à définir les priorités, de motiver, de fédérer les métiers autour d’une vision partagée. Financer : on l’a vu précédemment, il s’agit de mieux piloter les coûts digitaux, activer des leviers novateurs de financement de l’effort digital. Et par des aides publiques, des accompagnements spécifiques, la création de postes dédiés.
L'accélération numérique, une chance pour l'ETI
Les bénéfices de la transformation numérique ont et auront des effets considérables pour l’entreprise : sur la pérennisation de ses activités, sur sa capacité à générer de l’emploi, sur sa performance et rentabilité, sur sa manière de concevoir son modèle d’affaires, sur la transition énergétique et la décarbonatation, la cybersécurité et la confiance numérique, les Ressources Humaines et le management. L’accélération numérique des ETI est un changement économique, sociétal et territorial. Elle est en fait une vision. Celle de poursuivre des objectifs ambitieux, que les circonstances soient favorables ou adverses. Finalement, elle fait appel à l’ADN de l’entrepreneur : sa capacité d’adaptation et de résilience par l’action. Ce futur, déjà là, a fait l'objet d'une table ronde animée par Grégory Canto, secrétaire général du groupe Manuloc, Benoît Arweiler, directeur des Systèmes d’Information et du Numérique des groupes Evel & Quadral et Benoît Favre-Nicolin. Un partage d'expériences respectives, un retour sur les bonnes pratiques à mettre en place. En l’occurrence, si la recette type n’existe pas, tout est affaire de bons sens. De concert, ils ont dégagé ce consensus : le numérique est le pivot de toutes les autres transformations. Des paroles empreintes d'une grande clairvoyance, d'arguments porteurs, d'un volontarisme mobilisateur. Incontestablement, la crise sanitaire a accéléré la maturité digitale des ETI. Un tournant véritable. Pendant les confinements, le digital a agi comme un bouclier, permettant aux entreprises de poursuivre leur activité grâce au travail à distance et de trouver de nouveaux débouchés avec l’e-commerce. La crise a été clairement un accélérateur pour la transformation des ETI françaises. En apportant plus de vitesse et d’agilité, la période pandémique a testé la capacité des entreprises à s'adapter et à innover sous la contrainte. Également, elles ont pris acte des nouvelles attentes des consommateurs. Les ETI ont fait de la relation client leur cheval de bataille. Au final, le numérique s’avère être un tremplin pour développer de nouvelles idées et tester des relais de croissance. Ses potentialités s’apparentent à une galaxie sans fin.
Benoît Favre-Nicolin présentant l'étude publiée par KPMG France, en partenariat avec le Medef.