Territoires
À la Chambre des Métiers de la Moselle, les artisans transfrontaliers dessinent leur futur en commun
Le Conseil Interrégional des Chambres de Métiers (CICM) et la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Moselle, dont elle assure la présidence, ont organisé à Metz une table ronde autour du thème de l’artisanat, de la transition énergétique et du développement durable dans la Grande Région. Plusieurs acteurs territoriaux de l’artisanat ont pu débattre de ce sujet qui impactent les entreprises et les engagent pour un demain déjà bien présent.
En préambule, on rappellera le périmètre défini de Grande Région. Il regroupe la Sarre, la Rhénanie-Palatinat, la Wallonie, le Luxembourg et la région Grand Est-Lorraine. Depuis un an, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Moselle préside le Comité Interrégional des Chambres des Métiers de cette Grande Région qui fédère huit entités : Handwerkskammer des Saarlandes, Trier, der Platz, Koblenz, Rheinessen, Chambre des Métiers du Grand-Duché de Luxembourg, UCM Wallonie/Luxembourg et CMA 57. Dans ses locaux messins, cette dernière a organisé la première assemblée générale de la nouvelle mandature. Le CICM forme une organisation de coopération institutionnalisée entre chambres des métiers de la Grande Région. Une synergie unique en Europe dans son genre.
Les défis de l'artisanat
Il est animé par plusieurs objectifs : représenter les intérêts communs de l’artisanat auprès des autorités régionales, nationales et européennes, développer des initiatives en vue du rapprochement de l’encadrement économique de la Grande Région, promouvoir les activités et initiatives transnationales et interrégionales, prendre part à l’amélioration de la situation économique de l’artisanat, mettre à disposition des entreprises services d’assistance et de conseil. Il s’agit bien ici d’articuler un réseau de compétences et d’osmose transfrontalières. Lors de l’assemblée générale statutaire, les membres du CICM ont tiré les bilans d’une année de travail en commun avec cette question en forme de fil rouge : «quel artisanat voulons-nous pour demain ?» Une interrogation qui se pose et transcende tous les territoires concernés. Les défis sont légion autour de l’accompagnement de l’artisan dans sa mutation numérique, de réponses cohérentes efficaces quant à la pénurie de main-d’œuvre, mettant certains métiers en tension, ce qui est ici observé dans toute l’Europe, de l’articulation d’une offre de formation de qualité qui sera le gage d’un artisanat reconnu, d’un savoir-faire préservé pour permettre de former la future génération d’artisans aux métiers de demain. Et il y a, bien entendu, les enjeux liés au défi écologique.
Actions en synergie
Une réflexion collective s’est ainsi engagée, à partir des visions politiques pour le développement de l’artisanat, pour définir une feuille de route et les axes d’orientation à suivre lors de cette mandature. Autour du président Philippe Fischer (président de la CMA 57), de ses vice-présidents Tom Oberweis, Bernd Wegner, Rudi Muller et Philippe Denis, du secrétaire général, Marc Gross, a été déterminée la ligne de conduite des mois à venir. D’abord quant aux des ressources humaines dans l’artisanat : attirer et fidéliser la main- d’œuvre afin de répondre à la pénurie et trouver une solution pour les métiers en tension et continuer de développer la formation initiale et continue. Ensuite, de porter l’effort collectif vers ces problématiques de la transition énergétique et du développement durable. Dans son fonctionnement, le CICM bénéficie d’un groupe d’experts qui orientent les travaux dans les dossiers politiques interrégionaux à caractère transversal. Trois groupes de travail s’occupent de la veille des sujets qui leur sont propres et lancent des initiatives et projets communs sur l’environnement et l’énergie, la formation professionnelle et les marchés étrangers.
Philippe Fischer, président du CICM et la CMA 57.
Quand l'enjeu environnemental en décline d'autres
L’assemblée générale a été suivie d’une table ronde, animée par Guy Keckhut, en coopération avec la présidence rhénan-palatine du Sommet de la Grande Région. Fil conducteur : «artisanat, transition énergétique et développement durable : ce que nous faisons bouger, fait bouger la Grande Région». Dans ses mots d’introduction, Philippe Fischer a resitué les défis actuels et ceux qui se présentent face aux acteurs transfrontaliers et à l’écosystème de l’artisanat. Ils recoupent pléthore de domaines liés à l’environnement même, à la mobilité, à l’insertion socio-professionnelle… Quant au triptyque «écologie, économie, social», Philippe Fischer eut cette conclusion : «Demain, c’est déjà aujourd’hui ». Loic Mainguy, représentant du Land de la Grande Région - Chancellerie d’État Rhénanie-Palatinat , et Philippe Harster, président du groupe de travail «Économie et Développement Durable» - Comité Économique et Social de la Grande Région (CES) parlèrent, eux, «d’axes de coopération transfrontalière», «de changement de paradigme», «de futur proche», «de nécessaire complémentarité" . Des interventions pragmatiques, raisonnées, appelant à activer des leviers sur ces enjeux majeurs. Leur succédaient Séverine Stano, présidente de l’U2P Moselle et de la CNAIB SPA Moselle, Carmelo Buttaci, dirigeant de Houllé Sarreguemines et représentant la Fédération BTP Moselle, Émilien Gangemi, président de la CAPEB Moselle, Dr. Barbara Jörg, référente Économie environnementale et efficience écologique, climat, énergie, mobilité pour le ministère du Climat, de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mobilité de Rhénanie-Palatinat, Fenn Faber, directeur de Klima-Agence Luxembourg, Hans-Ulrich Thalhofer, gérant de AGV BAU Saarbrücken.
Développement durable : de nouveaux marchés
Chacune et chacun, de par son implication professionnelle, est confronté aux enjeux écologiques et aux mutations en incombant. Il y a bien sûr ce rôle essentiel d’accompagnement des artisans dans l’obtention aux labels et certifications, dans les changements inhérents au quotidien de leurs entreprises par l’encouragement aux bonnes pratiques - comme les économies d’eau et d’énergie -. En somme, ce que le législateur rend obligatoire et les attitudes de bon sens. Les intervenants ont donné, de par leurs propres expériences, leurs vécus, quelques clés et conseils pratiques. Si chaque artisan peut agir en solo dans sa démarche, la mettre en cohérence avec ce qui s’applique sur son territoire sera tout de suite plus visible et efficace collectivement. Encore une fois, le terme de «synergie» est revenu. Le développement durable est à l’origine de la création et de la croissance de nombreux marchés à mesure que se développent les contraintes réglementaires et les incitations financières, et que s’affirment de nouvelles tendances de consommation. On pense ici à l’éco-construction. Cela renvoie à une relation harmonieuse des bâtiments avec leur environnement immédiat, un choix intégré des procédés et produits de construction, et un chantier à faibles nuisances.
Une journée dédiée au bilan des travaux en commun menés depuis un an.
Les contraintes et le bon sens
La diversité des domaines liés à la transition écologique permet à chaque artisan de trouver les axes sur lesquels il peut engager son entreprise pour contribuer, à son niveau, à cette démarche. La transition écologique ne se limite pas à la transition énergétique, même si cette question est essentielle vis-à-vis du réchauffement climatique. Les autres aspects concernent également la gestion des ressources naturelles, la biodiversité, la gestion des déchets, les risques sanitaires… Bref, tout ce qui touche à l’environnement au sens large et qui vise à réduire l’empreinte des activités humaines sur la planète durablement. Les activités professionnelles sont toutes plus ou moins concernées par l’ensemble des domaines évoqués précédemment. Mais les impacts et les leviers disponibles diffèrent selon le type d’activité. Il faut donc commencer par définir les actions pouvant être mises en œuvre dans son entreprise et les hiérarchiser. Que ce soit en carburant pour les déplacements, en combustible ou électricité pour tout ce qui a trait au chauffage, chacun peut trouver des sources d’économie ou des alternatives. La contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’en sera qu’améliorée. La gestion des déchets ou des emballages concerne la plupart des entreprises.
Une transition progressive et rentable
Moins de volume, plus de recyclables, il existe des moyens de réduire l’empreinte de son activité sur l’environnement. Penser que l’on puisse réaliser une transition écologique du jour au lendemain serait une erreur. D’une part, l’adaptation d'une entreprise en interne nécessite un certain délai et, d’autre part, il faut sensibiliser et habituer ses clients et ses fournisseurs à de nouvelles méthodes. Il convient de fixer des objectifs et des étapes à positionner dans le temps. La mise en place d’indicateurs permet de mesurer les progressions, de valider la pertinence des actions et d’apporter d’éventuels correctifs si nécessaire. Calculer un bilan carbone est une bonne entrée. Opérer une transition écologique au détriment de la rentabilité n’aurait aucun sens. Ce critère fait partie de la notion de développement durable. C’est pour cela que les indicateurs sont indispensables. Si certaines aides accompagnent la transition, elles doivent compenser provisoirement une perte de rentabilité, mais, à terme, le système doit redevenir rentable par lui-même. Prendre le temps de s’informer pour comprendre les enjeux sans a priori idéologique, être prêt à se remettre en question, à bousculer ses habitudes et à accepter les erreurs... Autant d'attitudes pour réussir dans la transition écologique. Ce précepte fut finalement tout le sens des interventions entendues lors de cette table ronde, conclue par Rudi Müller, président du Comité Économique et Social de la Grande Région et de la Chambre de Métiers de Trêves. Aller plus loin ensemble : le leitmotiv de cette journée du CICM.