A l’issue de sa présentation, Vianney Mullieza répondu aux questions du public. Florilège

Quel regard portez-vous sur la politique actuelle ?
Un regard parfois désenchanté mais qui garde espoir. J’ai beaucoup de respect pour l’engagement politique qui démontre à la base un grand sens du service. Les politiques prennent des responsabilités, sans avoir toujours été assez éclairés. Comment prendre des décisions sans être incarné dans le monde que l’on va régir ? Il n’y a pas assez de chefs d’entreprise en politique. Les politiques qui émettent des règlements et des lois régissant les entreprises devraient faire des stages en entreprise !

Quels conseils pouvez-vous donner à une PME qui veut se développer sans capital familial ?
Il faut toujours commencer petit, même avec peu de capital. Toutes les grandes entreprises ont commencé petites ! Les premiers besoins sont les suivants : une bonne idée, un homme engagé, de bons accompagnateurs. Le financement arrive après tout cela, il est moins déterminant que la pertinence du couple homme/projet. S’il est bon, le financement arrive. Il y a beaucoup de systèmes de financement aujourd’hui.

A quoi ressembleront les points de vente dans 30 ans ?
Peut-être à rien de ce que l’on peut trouver aujourd’hui ! Les nouvelles technologies changent radicalement la donne. Les formats de points de vente seront forcément plus interconnectés, avec plus de canaux qu’aujourd’hui. Aux Etats-Unis, il y a beaucoup de “pure players” sur Internet. Mais ils finissent par rechercher le contact physique avec le client qu’ils n’ont plus, et que l’on devra retrouver dans les magasins. Ces magasins ne seront pas des musées devancés par Internet mais bien des lieux de convivialité qui devront couvrir un champ de nouveaux services encore inexploité. En revanche, les recettes du commerce gagnant sont invariantes au cours des siècles : des hommes engagés, une bonne offre produit fondée sur une bonne écoute client, un prix attractif, un confort d’achat et une “shopping experience” différenciante.

Comment assurez-vous les valeurs du groupe avec 269 000 collaborateurs ?
C’est la responsabilité de l’ensemble de nos managers, de nos RH. Nos valeurs sont visiblement universelles puisqu’elles sont acceptées par tous les pays, sans rejet. Elles s’adressent à l’homme, tout simplement. Elles amènent une autre dimension à notre métier et à notre vision. L’ensemble fait l’objet d’une revisite tous les sept à dix ans. Nos collaborateurs y participent de plus en plus : ce sont les propriétaires du projet.

Pourquoi vous êtes-vous développé partout, sauf aux Etats-Unis ?
Nous avons essayé les Etats- Unis mais nous avons échoué. Nous étions à Chicago et Houston dès 1988. A Houston, notre magasin faisait le plus gros chiffre d’affaires de la ville, avec une fréquentation très diverse et avait atteint le seuil de rentabilité. Nous avons donc ouvert un deu-xième magasin. Mais la différence supplémentaire que nous apportions par rapport à nos concurrents n’était pas assez forte. Deuxième handicap : nous étions obligés de passer par des grossistes, nos marges détaillant étaient de ce fait très basses. Troisième handicap, qui a plutôt été de circonstance : le fondateur de WalMart, Sam Walton, gravement malade, se faisait soigner à Houston. Il est venu voir notre magasin et a été convaincu qu’il ne fallait plus séparer l’alimentaire et le non-alimentaire comme il le pratiquait dans ses magasins. Il a donc converti une partie de son parc en format hypermarché et en a implanté huit nouveaux autour du nôtre. Nous n’étions pas suffisamment armés pour faire face à cette concurrence du premier distributeur mondial ! Le premier critère de succès, c’est de répondre à un vrai besoin non satisfait. C’est le cas dans tous nos pays d’implantation, sans doute pas suffisamment aux USA.

Vous parliez de la chaîne de consommation : comment arriver à avoir des prix bas ?
Le prix bas est un besoin fondamental du consommateur. Il faut donc permettre aux fournisseurs de baisser leurs coûts de revient par les volumes, l’écrasement des coûts, l’optimisation des process logistiques et de production. Ensuite, la valeur ainsi créée peut être partagée, du producteur au client. Ce partage est aujourd’hui en faveur des grands fournisseurs internationaux pour de nombreuses raisons. Je vous rappelle que nous avons un bénéfice qui représente 1,5% de notre chiffre d’affaires, alors que certains fournisseurs culminent au delà de 10% !

Quelles sont les qualités que vous attendez d’un fournisseur pour bâtir un partenariat à long terme ?
Le mot “partenariat” est très important pour nous. Pour proposer du choix, il faut beaucoup de fournisseurs. Et de très grands magasins qui permettent de présenter non seulement des grandes marques incontournables, mais qui laissent aussi la place aux PME locales et aux petits fabricants. C’est valable dans nos hypermarchés, moins dans les magasins plus petits, où les clients recherchent d’abord les grandes marques, ce qui laisse peu de place aux autres produits. Donc, finalement, plus la surface de vente est importante, plus elle permet l’expression des PME. Quant à nos fournisseurs, grands ou petits, nous leur demandons d’être fiables sur la qualité, d’être réactifs et d’avoir la capacité à faire évoluer leurs produits. Il faut baliser les points de progrès dans un plan d’affaires commun.

Etes-vous prêt à donner 10% de votre temps pour la collectivité et l’investissement dans la cité ?
C’est un engagement important. Nous le faisons à travers la Fondation Auchan pour la jeunesse qui met en place des projets portés par nos collaborateurs dans tous les pays du groupe. Pas à hauteur de 10% du temps de chacun, je le reconnais. Mais nous développons le mécénat de compétence en France.

Allez-vous devenir producteur agricole ?
L’intégration en amont permet de baisser les coûts et d’en faire bénéficier nos clients consommateurs. Cela étant, ce sont de vrais métiers sur lesquels le niveau d’expertise est long à acquérir. La terre coûte cher et le modèle économique de l’agriculture est difficilement applicable à la vitesse de celui de la distribution. Néanmoins, l’assurance d’avoir la ressource disponible est intéressante. Surtout pour les filières biologiques. Aujourd’hui, nous préférons bâtir des partenariats durables avec des groupements agricoles, qui leur permettent de voir à long terme et nous permettent de répondre aux besoins de nos clients.

Quels sont les résultats financiers du groupe ?
Ils ont été rendus publics il y a peu. Le chiffre d’affaires s’élève à 44 milliards d’euros et il est de 52,6 milliards sous enseignes. Ce dernier chiffre représente mieux la manière dont nous servons le consommateur. Quant au résultat, il est globalement honorable dans le contexte actuel, à 810 millions d’euros. Mais ces chiffres globaux ne sont pas très intéressants finalement : ce ne sont que des additions. Ce qui est intéressant, ce sont les retours de chaque pays, de chaque magasin : le niveau de satisfaction des clients mesuré par leur fréquentation et le nombre d’articles vendus. Le niveau de résultat exprimé en euros n’a d’intérêt qu’en ce qu’il détermine nos capacités d’investissement pour le futur.

Lars Olofsson, PDG de Carrefour, sera bientôt sur le marché de l’emploi. Songezvous à l’embaucher ?
Nous préférons privilégier la promotion interne. Car nous préférons miser sur les personnes qui ont fait leurs preuves dans nos métiers, que nous connaissons et qui sont reconnus par leurs équipes. Je n’ai pas de souci sur l’employabilité de Lars Olofsson qui a une expertise marketing reconnue !