Entretien avec Ali Benamara, président de l'Association des Industries Ferroviaires (AIF)
«À horizon 2030, la filière ferroviaire aura besoin de 15 000 personnes»
À l'occasion du Salon Made in Hainaut, La Gazette attire l'attention sur la filière ferroviaire, véritable poumon économique du Valenciennois. Innovante et vertueuse, l'industrie ferroviaire suit une dynamique positive, portée notamment par Alstom, deuxième constructeur mondial. Derrière cette locomotive, ETI, PME et start-up accompagnent la croissance de la filière, confrontée cependant à une pénurie de main d'oeuvre. Rencontre avec Ali Benamara, président de l'AIF.
Qui
compose l'AIF aujourd'hui et quel est son rôle concrètement ?
Nous
sommes le premier cluster ferroviaire en France qui représente
l'ensemble des constructeurs et équipementiers. L'AIF aujourd'hui
c'est plus de 200 entreprises régionales - soit près de 20 000
emplois - dont Alstom, le deuxième constructeur mondial de matériel
roulant avec 4 500 collaborateurs. Notre objectif est d'accompagner
les acteurs du ferroviaire dans leur croissance. Nous les aidons à
grandir sur le volet compétences et international entre autres.
L'idée est de les ouvrir à des marchés hors Europe. Pour cela,
nous participons chaque année aux salons internationaux du
ferroviaire. Puis chaque mois, nous organisons des visites
d'entreprises, des temps de formations, des petits déjeuners, dîners
et afterwork pour nos entreprise membres.
Comment
a évolué la filière ferroviaire régionale ?
Nous
avons une vraie culture du ferroviaire en Hauts-de-France et ce,
depuis le XIX siècle avec l'acheminement du charbon des mines. Donc
historiquement, nous avons été et sommes toujours actuellement la
première région ferroviaire de France avec plus d'un milliard
d'euros de chiffre d'affaires et 50% de la production nationale
ferroviaire concentrée sur le territoire.
Les
deux sites d'Alstom, à Petite-forêt et Crespin, concentrent plus
d'un quart des salariés de la filière. Depuis 2021 et le rachat de
Bombardier, Alstom monte en gamme, en expertise et en capacité. Nous
sommes l'unique territoire en France à avoir deux sites de cette
envergure, ce sont d'ailleurs les deux sites les plus importants
d'Alstom en France. Alstom pèse plus de 15 Md€ aujourd'hui, c'est
une locomotive qui tire la filière régionale vers le haut et
embarque tout l'écosystème avec elle. Depuis 10 ans, la filière a
énormément évolué. Nous sommes au cœur de l'industrie 4.0 avec
des technologies très innovantes. Nous pouvons être fiers de dire
également que nous sommes la première région ferroviaire d'Europe.
Quelle
est la spécificité de la filière ferroviaire en région ?
Nous
sommes la seule industrie du transport à assurer l'ensemble de la
chaîne de valeur sur le territoire à savoir la R&D,
l'innovation et la production. Le fait de concevoir et de fabriquer
ici dans les Hauts-de-France est une des spécificités de la
filière. L'innovation a désormais toute sa place dans le
Valenciennois à l'image de I-Trans et Railenium. Ces deux pôles de
compétitivité portent l'innovation de manière globale et
permettent d'agglomérer les start-up. Aujourd'hui, cet écosystème
fonctionne très bien. Tout ce tissu de start-up viennent accompagner
la croissance de la filière. Nous restons dans une dynamique très
positive avec des carnet de commandes pleins. Le
ferroviaire est un secteur attractif et vertueux avec l'un des
impacts environnemental les plus bas. Si nos trains sont fabriqués
ici, on les retrouve dans le monde entier, et ça, on peut en être
fiers.
Quelles
sont justement les innovations sur lesquelles travaille la filière
ferroviaire ?
Beaucoup
de sujets ! Nous travaillons sur le train léger, le train
autonome, la maintenance prédictive ou encore les matériaux
bio-sourcés. L'une des principales
problématiques actuelles, ce sont les petites lignes encore peu
exploitées. L'enjeu est de ré-exploiter ces lignes en assurant des
fréquences régulières et avec des trains autonomes justement. Ca
va amener de l'autonomie dans le transport et de nombreux passagers
des petites villes sans réaliser de gros travaux. Il y a vraiment
quelque chose à faire aujourd'hui en France sur ces lignes, c'est le
dernier maillon qui nous manque.
Sur
les grandes lignes, les trains autonomes ne sont pas encore
d'actualité. La technologie existe déjà mais faire rouler un train
à plus de 150 km/h sans conducteur s'avère plus compliqué qu'un
métro autonome. Il y a à la fois les contraintes juridiques et tout
simplement l'appréhension des gens.
On
évoque régulièrement la pénurie de main d'oeuvre dans
l'industrie. Le ferroviaire souffre également de candidats ?
Nous
avons effectivement un énorme enjeu de recrutement et de formation.
A échéance 2030, la filière ferroviaire aura besoin de 15 000
personnes. Nous recrutons de manière très régulière mais restons
en manque de collaborateurs, que ce soit en production, en
ingénierie, en montage ou encore en qualité. Un job
dating aura lieu en juin
justement (cf encadré
ci-dessous). La
féminisation de la filière représente également un enjeu de
taille.
Job dating le 17 juin
L’AIF, accompagnée de l’ensemble de ses partenaires (professionnels du recrutement, écoles, centres de formations…) souhaite accompagner ses entreprises dans leurs besoins en recrutement en mettant en place un job dating. Cet événement se déroulera le 17 juin prochain à l’IMTD. Au programme : un job dating avec des stands pour les entreprises et partenaires emplois, un guichet «spécial Valdunes» sera mis en place afin d’accompagner les salariés ; des ateliers de détection de compétences, dextérité, câblage, tests métiers ; ainsi qu'un Roadtrain emploi avec la visite du Technicentre d’Hellemmes. L’édition 2023 avait rassemblé 43 entreprises et partenaires, plus de 300 visiteurs, pour plus de 1000 postes à pourvoir !