À Brasilia, des vignobles à une heure des lieux de pouvoir

Non loin de la capitale Brasilia et de ses bâtiments futuristes abritant les principaux lieux du pouvoir du Brésil, des rangées de vignes...

Le vignoble du domaine Villa Triacca à Paranoa, le 18 juillet 2023 au Brésil © EVARISTO SA
Le vignoble du domaine Villa Triacca à Paranoa, le 18 juillet 2023 au Brésil © EVARISTO SA

Non loin de la capitale Brasilia et de ses bâtiments futuristes abritant les principaux lieux du pouvoir du Brésil, des rangées de vignes s'étendent à perte de vue.

"Il y a un vrai potentiel dans ce terroir", estime l'oenologue français Jean-Michel Barcelo, en dégustant un raisin couleur rubis, délicatement roulé entre les doigts après avoir été cueilli.

Installé à Perpignan, il vient une fois par an visiter le domaine Villa Triacca, situé à une heure de route de la capitale. Agé de 52 ans, il est consultant pour cette exploitation familiale qui a commencé à produire du vin il y a six ans.

La viticulture dans le District fédéral de Brasilia est un phénomène récent, mais la surface des vignobles y a presque doublé en quatre ans, passant de 45 hectares en 2018 à 88 l'an dernier, avec une dizaine de producteurs.

La région centre-ouest, où se trouve la capitale, est un des pôles de l'agronégoce du Brésil, où prédominent la culture du soja, du maïs ou l'élevage de bovins.

Viticulture très originale

Mais M. Barcelo assure qu'il y a également de quoi y implanter un pôle viticole.

Près de Brasilia, il a trouvé des conditions "exceptionnelles": un terrain en altitude (environ 1.000 mètres au-dessus du niveau de la mer), un climat sec, et une différence de température de 15 degrés entre le jour et la nuit durant l'hiver austral, saison idéale pour la maturation de ces raisins.

"C'est une viticulture très originale et bien différente de ce qu'on peut voir dans la plupart des vignobles mondiaux", confie-t-il à l'AFP, en face d'un pied de syrah.

Il s'agit de la "taille inversée", ou "double taille", une technique mise au point par des chercheurs brésiliens dans les années 2000, qui permet de faire les vendanges en hiver et éviter ainsi les fortes pluies d'été.

Les vignes sont donc taillées par deux fois, une en hiver et une autre en été, pour être vendangées lors des mois les plus secs, entre juillet et août, et non en mars, comme dans la plupart des autres exploitations d'Amérique du Sud.

"Je rêvais de fabriquer du vin, mais avant de connaître cette technique, je pensais juste faire du vin de table. J'ai appris par la suite qu'il était possible de produire du vin de qualité ici", raconte Ronaldo Triacca, 57 ans, qui a fait de la place pour les vignes au milieu des parcelles de soja et de maïs. 

Au total, son vignoble occupe six hectares, avec trois cépages différents: Syrah, Cabernet Sauvignon et Cabernet Franc.

L'an dernier, il a vendu 15.000 bouteilles, au sein de la coopérative Vinicola Brasilia, qui en produit environ 150.000 par an.

La plupart de ces bouteilles sont commercialisées dans les domaines, ou dans des boutiques spécialisées et restaurants de Brasilia.

"J'ai été surpris par la qualité, l'arôme. Je n'avais pas la moindre idée qu'on produisait du vin ici", dit à l'AFP Luciano Weber, habitant de Brasilia, lors d'une dégustation au domaine Villa Triacca.

Des hormones en question

Pour produire du vin près de la capitale brésilienne, avec la technique de la "double taille", il faut également utiliser une hormone non conventionnelle, qui permet de réguler la pousse des vignes, les laissant comme endormies.

Les producteurs locaux assurent que cette hormone "ne laisse aucun résidu" dans le vin, mais son utilisation soulève des questions chez les experts. 

"On ne connaît pas les effets de cette hormone, je n'ai jamais lu d'étude là-dessus", explique Suzanna Barelli, journaliste spécialisée du journal Estado de S. Paulo. Elle reconnaît néanmoins que les vins de Brasilia sont "de grande qualité".  

"Beaucoup de gens pensent encore que si un vin n'est pas français, argentin, chilien ou portugais, il n'est pas bon", déplore Felipe Camargo, coordinateur de l'organisme public d'aide à l'expansion agricole Emater. "Mais on va rapidement les faire changer d'avis", prévient-il. 

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