Innovation
À Bernaville, Crépin-Petit fabrique des boutons plus que centenaires
L’entreprise Crépin-Petit fabrique des boutons depuis 1873. Elle était menacée en 2008. La nouvelle direction lui a redonné une belle impulsion. Elle séduit de grands noms et a ouvert un site Internet.
Plus de 50 000 références de boutons sont abrités dans les 2 500m² de locaux de l’entreprise Crépin-Petit, nichée au coeur de Bernaville. Et pour cause, elle a été fondée en 1873. Ce qui lui doit d’avoir été labellisée Entreprise du patrimoine vivant. À l’époque, les boutons, qui étaient des accessoires de luxe, étaient en nacre. L’arrivée du plastique après la Seconde Guerre mondiale les a démocratisés.
Des temps difficiles
Actuel gérant, Dominique Ossart est arrivé dans l’entreprise en 1986. Il en a franchi tous les paliers avant de terminer comme directeur adjoint et de la quitter en 2001 pour se lancer dans le négoce près de Lille. Dernier membre de la famille des fondateurs à l’avoir dirigée, Daniel Crépin a vendu en 2004 l’entreprise à un repreneur italien, qui n’avait d’autre ambition, selon Dominique Ossart, que de « transférer l’activité » à domicile.
En 2008, Crépin-Petit est placé en redressement judiciaire. Appelé par d’anciens collègues, Dominique Ossart dépose un dossier de reprise. Le tribunal de commerce d’Amiens lui fait confiance. Seuls 24 des 84 salariés sont conservés. L’entreprise recommence presque de zéro. Au fur et à mesure, grâce notamment au rachat de deux sociétés dont une de négoce se trouvant en Allemagne, le chiffre d’affaires se redresse pour parvenir à 4 millions d’euros. Les clients de l'entreprise s’appellent Le Coq Sportif, Les Petits Hauts, Saint-James, Lacoste, Petit Bateau, Le Slip français… Ce sont également des merceries en France, en Belgique ou au Japon.
« L’entreprise a toujours été leader sur son marché car les investissements ont été réguliers et nous avons toujours été innovants »
Deux fois par an, grâce au talent de deux stylistes qui surfent sur les tendances, deux collections très attendues de 1 000 références chacune sont présentées. Celle du printemps-été 2022 vient d’être dévoilée. Mais l'entreprise propose également des modèles personnalisés : « En 2008, tout le monde disait que l’industrie, c’était fini mais nous savions que notre force, c’est notre savoir-faire. L’entreprise a toujours été leader sur son marché car les investissements ont été réguliers et car nous avons toujours été innovants. Nos clients nous achètent du made in France. Cela sert leurs stratégies en matière environnementale et sociale. Lacoste, par exemple, nous a fait auditionner. Les clients achètent aussi un concept », se félicite Dominique Ossart.
S'ouvrir à l'international
Aujourd’hui, l’usine, la dernière dans cette activité hors Jura, compte 35 salariés et commence à se faire une belle réputation sur Internet. Depuis six mois, grâce à la pandémie, elle a boosté mafabriquedeboutons.com
et les résultats ne se sont pas fait attendre. Particuliers qui se plongent de plus en plus dans la couture ou auto-entrepreneurs passent environ 200 commandes par mois. Une petite goutte d’eau dans le chiffre d’affaires mais tellement symbolique pour les équipes. Le site va être traduit, ce sera un des leviers pour permettre à Crépin-Petit de s’ouvrir à l’international.
C’est ainsi que de magnifiques boucles de ceintures en nacre, qui ne sont plus fabriquées depuis plus d’une quarantaine d’années, seront bientôt proposées à la vente. Sur le site, les boutons sont catégorisés : les nouveaux produits, les stars, nacre, métallisés, collection automne/ hiver 2020, fantaisie, matières naturelles… Car l’entreprise aime travailler les matières naturelles comme le bois, la nacre (elle envisage de s’associer avec un producteur coquillages de Bretagne) ou le corozo.
Dans tous les cas, les matières sont sublimées pour faire d’un bouton presque un objet d’art grâce notamment au laquage, à la teinture, à l’impression, à la gravure en relief ou en creux… Des boutons affichent des formes insoupçonnées et même jusqu’à trois couleurs ! Soucieuse de l’environnement, l’entreprise travaille à élaborer du plastique 100% sans hydrocarbures. Elle cherche aussi des partenaires notamment en misant sur le B to B : « L’ennemi du bouton, c’est la fermeture éclair, plaisante Dominique Ossart. En ce moment, le bouton revient en force. » De quoi laisser augurer de beaux jours pour l’entreprise…