34 milliards d’euros pour les «régions en transition»
C'est l'éternel débat : l'Etat doit-il garder la main sur les fonds européens destinés aux régions et pourquoi ? L’Europe négocie en ce moment le volume et la destination de ses fonds pour la période 2014-2020.
Les fonds structurels européens ciblent les régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75% du PIB européen moyen. C’est à ces régions qu’est destinée la plus grosse partie des fonds, qu’il s’agisse du Feder ou du FSE. Mais cette règle de répartition désavantage les régions françaises qui sont toutes au-dessus du niveau de 75% alors que beaucoup ont en fait une richesse très inférieure à la moyenne européenne. C’est le cas du Nord-Pas-de-Calais dont le PIB par habitant se situerait plutôt entre 80 et 90% par rapport à la moyenne européenne. Une partie de la région (Valenciennes), tout comme la Wallonie voisine, a bénéficié un temps des fonds de l’Objectif 1, ce qui a fortement contribué au redéploiement industriel. Longtemps président du Comité des régions d’Europe, Michel Delebarre, maire de Dunkerque, a bataillé auprès de la Commission européenne, avec l’appui du Parlement européen, pour obtenir la création d’une catégorie supplémentaire, celle des «régions en transition», dont le PIB par habitant est inférieur à 90% du PIB européen moyen. Celles qui seraient concernées pourraient bénéficier d’un accès privilégié aux fonds structurels. Une enveloppe de 34 milliards d’euros serait réservée à une cinquantaine de régions en Europe, dont six en France (Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Languedoc-Roussillon, Limousin, Picardie, Auvergne). A quelques jours de l’ouverture du sommet européen de novembre qui sera consacré au budget européen (2014-2020) les présidents des six régions ont signé un courrier à destination du commissaire européen chargé de la politique régionale, Johannes Hahn, pour rappeler leur position. Ils craignent en effet que le gouvernement français, plus soucieux de sauvegarder les enveloppes de la Pac pour les agriculteurs français, ne défende que mollement le dossier des régions en transition.
Une décentralisation au compte-gouttes. Longtemps promise et jamais tenue, la décentralisation des fonds européens revient à l’ordre du jour. Actuellement, c’est l’Etat, via les préfets de région, qui gère les enveloppes des fonds structurels européens. Le gouvernement Raffarin avait proposé, à titre expérimental, aux régions de devenir les gestionnaires directes des fonds européens mis à leur disposition. A l’époque, la région Alsace s’était portée candidate. Pour la prochaine programmation des fonds européens, à partir de 2014, les régions sont nombreuses à souhaiter le faire. Les projets de décentralisation du gouvernement Ayrault devraient valider ce souhait et transférer aux régions le soin de gérer en direct les subventions des fonds européens. Le candidat Hollande s’y était engagé en mars dernier et cet engagement avait été confirmé par le Premier ministre en septembre. Pourtant, l’esprit jacobin de l’administration et les réticences des préfectures qui craignent de se voir dépossédées d’un important levier d’intervention jouent en défaveur de cette évolution. Selon le site d’information européen Euractiv, une réunion interministérielle s’est tenue le 16 octobre dernier mais elle n’a pas permis d’avancer sur ce dossier. Les services du Premier ministre travailleraient à une solution intermédiaire qui augmenterait la part des fonds structurels dont la gestion serait déléguée aux régions sans remettre en cause l’autorité des préfectures. «C’est une révolte de l’Enarchie et de la bureaucratie jacobine», selon Euractiv. Rappelons qu’en Europe, ce sont presque toujours les régions qui gèrent les fonds structurels sur des enveloppes négociées au niveau européen entre les Etats et la Commission européenne autour des objectifs de la cohésion européenne. La France fait, sur ce dossier, figure d’exception.