250 000 logements concernés par les inondations
Le Dunkerquois est-il menacé d’inondation, voire de submersion ? La question trouve un regain d’intérêt après la tempête Cynthia en Vendée où une vingtaine de personne ont péri, victimes de la montée des eaux. Elle devient plus aiguë lorsqu’on sait que la montée prévisible des eaux de la mer, suite au réchauffement climatique, pourrait atteindre 75 centimètres d’ici la fin du siècle. Le sujet était au programme des « rencontres de l’habitat » organisé par l'Agence de l'Urbanisme (AGUR) au Kursaal de Dunkerque le 5 octobre dernier.
Chargé d’étude à l’agence d’urbanisme de Dunkerque, l’Agur, Xavier Chelkowski rappelle que le littoral dunkerquois, de Calais à Dunkerque, et au-delà en zone flamande, est un vaste polder gagné peu à peu sur la mer au cours des siècles, ce qui le rend particulièrement vulnérable. La prise de conscience gagne aujourd’hui les responsables politiques. En France, cinq millions d’habitations seraient concernées par le risque d’inondation. Elles sont 250 000 dans le Dunkerquois. L’Etat met aujourd’hui en place des plans de protection contre les inondations (PPI) qui orientent la rédaction des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des schémas de cohérence territoriales (Scot) et modifient les conditions d’urbanisme. La menace vient de l’extérieur, la montée des eaux de la mer risquant d’accélérer l’érosion littorale et de susciter, en cas de fortes marées doublées de tempêtes comme ce fut le cas en Vendée, une invasion de l’eau. Mais la menace vient aussi de l’intérieur. Selon l’Agur, la montée des eaux rendra plus difficile leur ruissellement. Notamment celles qui descendent des monts de Flandres pour rejoindre les estuaires. Conséquence : dans des goulets d’étranglement, les inondations pourraient menacer. Pour l’Agur, les nouveaux plans d’urbanisme vont intégrer le risque de montée des eaux. Cela ne veut pourtant pas dire qu’il ne faut plus construire. Vouloir endiguer est vain. «L’eau finit toujours par pénétrer» note Nicolas Bauduceau, directeur du Centre européen de prévention des risques d’inondation (Cepri). Les barrages, de parpaings ou de sable, ne peuvent être opérant que pour des envahissements de très courte durée. Mieux vaut «faire avec», c’est-à-dire envisager la montée de l’eau et en limiter les effets.
Convaincre les professionnels. Pour les constructions nouvelles, les techniques d’isolation, la construction sur pilotis, le rehaussement des vides sanitaires et autres sont connus. Architecte, Eric-Daniel Lacombe présente les plans d’un quartier «résilient» à Romorantin où la montée du Cher a été prévue et où, plutôt quede bâtir des digues, on a installé des systèmes d’écoulement et le rehaussement des logements, ce qui permet de voir venir. Selon Nicolas Bauduceau les constructions adaptées ne sont pas plus coûteuses. Encore faut-il que les professionnels les connaissent, ce qui n’est pas forcément le cas. A Orléans, dans un quartier marqué par un fort risque d’inondation, Marielle Chenesseau, responsable à la communauté d’agglomération, note que ce sont les professionnels qui ont été les plus difficiles à convaincre… Dans les constructions anciennes, les aménagements sont plus complexes. «Ils sont coûteux et ce ne sont pas ceux qui payent qui en bénéficient, puisque ce sont plutôt les assurances qui vont en profiter.» Marielle Chenesseau note qu’il est important que la collectivité s’implique. Mais il y a de petits aménagements, moins coûteux, qui permettent au moins d’éviter le pire. Par exemple, l’installation d’un double circuit électrique évitera un court-circuit général et laissera les étages habitables pour faciliter une réinstallation rapide dans les lieux. On peut aussi profiter des rénovations pour des modifications plus lourdes. Bien sûr, il est difficile de convaincre les habitants d’un risque hypothétique. «Nous n’avons pas la culture du risque», note Nicolas Bauduceau. En effet, la France n’a pas connu d’inondation massive depuis un siècle. Or, une volonté politique locale est indispensable. C’est cequi a convaincu tout un secteur d’Orléans de mettre en place un plan «inondation» pour 50 000 logements qui pourraient être menacés par une crue exceptionnelle de la Loire. «Un peu à la fois nous réussissons à sensibiliser la population», raconte Marielle Chenesseau.
La crue ne viendra peut être pas et nul de s’en plaindra, mais on sait à quel point elle est dramatique pour ceux qui la vivent. Le directeur du Cepri raconte : «Nous avons étudié les suites de la crue de la Somme et nous avons pu mesurer le traumatisme subi par ceux qui l’ont vécue.» Les dégâts n’ont pas été que matériels. Mieux vaut prévenir…