Enquête de la Banque de France
2023, l’année de «tous les risques» pour les TPE ?
Les TPE continuent d’accéder au crédit sans difficultés majeures au troisième trimestre de cette année, d’après la Banque de France. Ces entreprises ont connu une année 2021 hors normes qui doit beaucoup à l’aide de l’État, montre la FCGA. La suite est plus incertaine.
Pour l’instant, les TPE ne connaissent pas de problème particulier d’accès au crédit, mais la situation pourrait se dégrader. Le 23 novembre dernier, à Paris, la Banque de France présentait son enquête sur l’accès des entreprises au crédit au troisième trimestre 2022. Pour les TPE, «le niveau de leurs demandes en crédit en trésorerie s’est stabilisé. Celui concernant les investissements aussi reste stable, mais il se situe à un niveau en deçà de celui d’avant crise. Et si les conditions d’octroi de crédit se sont clairement durcies, en raison de l’évolution des taux directeurs de la BCE, le taux d’obtention reste élevé, comparable à celui qui prévalait avant la crise», explique Marie-Laure Barut-Etherington, directrice générale adjointe des statistiques et des études internationales à la Banque de France.
Concrètement, ce troisième trimestre, 4% des TPE ont fait une demande de crédit de trésorerie, contre 5% au trimestre précédent. Et 6% d’entre elles ont réalisé une demande de crédit d’investissement, contre 11% sur au dernier trimestre 2019. Les taux d’obtention s’élèvent à 91% pour les dossiers concernant l’investissement et 73% pour la trésorerie. Au total, pour la période concernée par l’enquête, «nous ne constatons pas de problème sur la capacité de financement des TPE, ni des autres entreprises», synthétise Marie-Laure Barut-Etherington.
De manière plus globale, les tendances observées par la Banque de France témoignent d’une «normalisation» de la situation financière des entreprises, par rapport aux deux années précédentes. Néanmoins, pour l’avenir, «on ne peut pas nier que la conjoncture compliquée aura nécessairement un impact sur les entreprises», ajoute -t-elle. Quant à Yves Marmont, expert-comptable et président de la FCGA, Fédération des centres de gestion agréés, il estime que l’année 2023 sera celle de «tous les dangers. Cela risque d’être compliqué pour les entreprises». En effet, des échéances de remboursement (PGE, cotisations Urssaf...) devraient se télescoper avec le contexte inflationniste qui met les entreprises en difficulté. «Déjà, au quotidien, on voit que la situation se tend», témoigne Yves Marmont.
Une année 2021 hors normes
Au regard de ces inquiétudes sur l’année à venir, la photographie de la situation qui précède pourrait sembler idyllique. C’est ce dont témoignent les statistiques de la FCGA sur l’activité des TPE en 2021, qui portent sur 77 professions réparties en 11 secteurs d’activité. Les petites entreprises ont en effet pleinement participé de la dynamique de l’économie. Celle-ci a été marquée par un rebond de la croissance avec un PIB qui a crû de 6,8% après la chute de 7,8% en 2020, porté, notamment, par la consommation des ménages(+6%) permise par un renforcement de leur pouvoir d’achat. «2021 a été l’année d’un bon rattrapage, sur tous les indicateurs», résume Yves Marmont.
Les TPE ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 6,8 %, après une année 2020 à -3,9% . En 2021, un seul secteur, celui des CHR (Cafés, hôtels, restaurants) a subi une baisse de son chiffre d’affaires (-8%). Pour le reste, tous les secteurs ont connu une croissance, même si dans des proportions diverses. La plus forte augmentation du chiffre d’affaires revient à l’équipement de la maison : il a progressé de 15,8%, soutenu par l’intérêt décuplé des Français pour leur intérieur, suivi du transport et du bâtiment (+11,3%) et de la beauté esthétique (+10,7%). Les services, eux, ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 9%.
Ces tendances exceptionnelles n’ont pas bouleversé le palmarès des 10 professions qui gagnent le plus et des 10 qui gagnent le moins. Dans la catégorie des professions les plus rémunératrices, la pharmacie reste très largement en tête avec 158 371 euros de résultat net, suivie de l’optique lunetterie (78 582 euros) et des cafés-tabac- jeux et journaux (74 943 euros). Suivent plusieurs professions du secteur CHR (hôtels, restaurants, crêperies, hôtellerie de plein air) avec des résultats nets qui se situent entre 62 et 66 000 euros, en dépit de la baisse du chiffre d’affaires de ce secteur.
La clé des aides
Le décalage entre le résultat net et l’évolution du chiffre d’affaires du secteur CHR illustre l’importance des aides apportées par l’État (fonds de solidarité, exonérations, aides au stock…) dans les résultats des TPE en 2021. D’après la FCGA, les résultats moyens- subventions comprises – ont augmenté de 14,6%, par rapport à 2020. Hors subventions, cette progression ne serait que de 6,8%. Et en moyenne, les TPE ont stabilisé leur trésorerie à un niveau plus élevé qu’avant la crise : la part de celles ayant une trésorerie faible a baissé de 25 à 20% et celle des entreprises ayant une bonne situation est passée de 25 à 35%.
Reste que les subventions ont atteint des niveaux différents selon les secteurs en 2021 : 7 000 euros, en moyenne, par entreprise, mais 10 000 euros pour celles de la culture-loisirs, 16 000 euros pour celles de l’équipement à la personne, et 39 000 euros pour celles du CHR. Résultat, «ceux qui ont bénéficié de moins d’aides ont obtenu des résultats semblables aux autres années, tandis que certaines professions qui ont obtenu plus d’aides ont connu des meilleurs résultats», analyse Yves Marmont. Le secteur HCR fait figure de
record : sa rentabilité s’est accrue de 61,8%, alors que sans les subventions, elle aurait baissé de 21,6%. Pour Yves Marmont, ce sont les critères d’attribution des aides, basées sur le chiffre d’affaires qui sont en cause. «Durant la crise, j’avais alerté Alain Griset, alors ministre chargé des PME, à ce sujet», se souvient le président de la FCGA, qui rappelle, néanmoins, la complexité de la situation, le gouvernement étant tenu de trouver des solutions «simples et rapides», sur fond de corporations défilant à Bercy pour faire valoir leurs besoins spécifiques…
Pour lui, certains entrepreneurs en ont profité pour investir, mais la situation a également engendré des abus. «Certains en ont profité pour acheter une voiture personnelle», pointe-t-il. En revanche, le phénomène des entreprises «zombies», qui auraient été artificiellement maintenues en vie par les subventions, doit être relativisé. «Il y a eu des entreprises qui étaient au bord de la faillite et qui ont baissé le rideau lorsque les aides ont cessé, mais c’est à la marge», estime Yves Marmont, rappelant les fort taux de défaillances de 2018 et 2019.