2020, année de tous les records pour la Médiation des entreprises

Dans la crise, de nombreuses TPE se sont tournées vers le Médiateur des entreprises, chargé par Bercy d'aider les entreprises à régler leurs différents à l'amiable. Encore plutôt confidentielle, sa démarche pourrait changer d'échelle grâce à un portage politique.

© teguhjatipras
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Forcément, une année hors normes. Lors d'une récente conférence de presse en ligne, Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, a présenté le bilan annuel de la Médiation. La structure, rattachée à Bercy, propose un service gratuit et confidentiel dont peuvent se saisir les entreprises, afin de régler entre elles leurs différents, sans passer par la case tribunal. Crise oblige, en 2020, l'activité de la Médiation a littéralement explosé : elle a été sollicitée 9 615 fois, soit près de cinq fois plus que l'an dernier. Et elle a réalisé 3 540 médiations.

De plus, une nouvelle mission lui a été confiée, spécifiquement liée à la crise : servir d'interface entre les entreprises et les organismes publics compétents, en cas de difficulté d'attribution des aides. «Nous parvenons à résoudre un certain nombre de cas, avec une écoute très positive des administrations publiques», estime Pierre Pelouzet. En temps de crise, des blocages administratifs, habituellement pénibles, peuvent en effet prendre une dimension dramatique. Lorsqu'un entrepreneur se voit refuser une aide parce qu'il a mal rempli les cases d’une demande, ou parce qu'il a changé de compte en banque, suscitant une suspicion de fraude...

Parmi les motifs principaux de saisine de la Médiation, concernant les différents entre entreprises, les baux commerciaux représentent un peu plus de 11% des demandes en 2020. «Il s'agit de l'un des sujets majeurs et qui le reste encore aujourd'hui», note Pierre Pelouzet. En effet, le loyer constitue la charge financière la plus importante qui demeure, pour les commerces, hôtels ou salles de sport, qui bénéficient par ailleurs du chômage partiel. Pour autant, avant tout, «la moitié des saisines sont liées aux conditions de paiement. Il s'agit des retards, mais aussi, par exemple, de difficultés qui touchent au processus de facturation», explique Pierre Pelouzet. Exemple : l'approbation d'une fin de chantier qui traîne, ce qui évite de procéder au paiement...

Parmi les motifs principaux de saisine de la Médiation, concernant les différents entre entreprises, les baux commerciaux représentent un peu plus de 11% des demandes en 2020

Dès le 23 mars 2020, les signaux d'alerte concernant les retards de paiement ont pris une telle ampleur que la Médiation a mis sur pied un comité de crise, avec les représentants du monde économique. Objectif : «faire face à la montée des retards de paiement des grands groupes, des ETI, qui ont des positions clés dans une filière et peuvent créer des catastrophes en cascade», décrypte Pierre Pelouzet. Une quarantaine de cas ont été traités et résolus. Parmi eux, un tiers était le fait d'entreprises qui essayaient de profiter de la crise pour se faire de la trésorerie, et un tiers, de celles empêtrées dans des difficultés d'organisation. Le tiers restant connaissait des difficultés financières.

«Aujourd'hui, la situation est beaucoup plus calme, mais nous restons vigilants», prévient Pierre Pelouzet. En fait, le problème principal actuel est ailleurs : «nous avons beaucoup de sujets de PME à PME, voire, à TPE. Le rapport de force peut jouer à tous les étages», explique le Médiateur. Avec la crise, les "clients" de la Médiation sont devenus à 80% des TPE, artisans et commerçants.

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«Je suis persuadé que la clé de sortie de crise sera la responsabilité, les engagements, la solidarité économique», plaide Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises. © Bercy

Changement d'échelle ?

Au-delà de la résolution des conflits existants, la Médiation est également chargée d'autres missions, qui visent globalement à encourager les entreprises à adopter des comportements allant vers la coopération, au delà même de leurs obligations légales. «Je suis persuadé que la clé de sortie de crise sera la responsabilité, les engagements, la solidarité économique», plaide Pierre Pelouzet. Exemple concret, avec les entreprises définies comme «zombies», celles dont tout le monde s'attend à ce qu'elles s'écroulent avec la fin des aides, car non viables. «Une partie d'entre elles connaît des difficultés à cause de problèmes de paiement. S'il existe plus de solidarité économique, certaines d'entre elles pourraient rebondir», estime le Médiateur. Pour lui, la crise actuelle pourrait constituer un moment possible de changement de comportement. 

L'augmentation du recours à la Médiation traduit avant tout l'ampleur de la crise. Toutefois, elle constitue «une reconnaissance de la valeur du dialogue en temps de crise», estime le Médiateur. Autre signal, la "petite vague" qui commence à prendre, d'adhésion au mouvement #SolidaritesEconomiques. Mis en place par la Médiation avec de nombreux partenaires, il s'efforce de fédérer des acteurs économiques autour de pratiques solidaires. En deux mois, il a généré 400 publications et touché un million d'utilisateurs sur Twitter et LinkedIn.

Dans le même sens, la Médiation n'a pas pratiqué le "name and shame", sur les grands donneurs d'ordre qui payaient mal durant la crise. Elle a choisi de mettre en avant 16 entreprises exemplaires qui ont mis en place des paiements accélérés, sans attendre les délais légaux, à l'image d'Orange ou EDF. Cela fait dix ans que la structure de Bercy s'efforce de mettre en place des outils destinés à encourager des comportements plus vertueux chez les entreprises. Sa charte "Relations fournisseurs responsables" comporte 2 000 entreprises adhérentes. 

Le Label «Relations fournisseurs et achats responsables» (RFAR) lui, a été adopté par une cinquantaine d'entreprises et organismes publics (Thalès, UGAP, Région Centre-Val-de-Loire, ministère des Armées...). Pour Pierre Pelouzet, le label constitue «un levier formidable pour faire évoluer notre économie. A travers l'achat, on peut porter la responsabilité très loin, au cœur des entreprises», estime-t-il.

Aujourd'hui, un changement d'échelle du dispositif semble possible : le projet pourrait trouver un portage politique. Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable a chargé la Médiation de lui remettre un rapport sur la manière de déployer largement cet outil.