2015 : vers une relance du marché du logement ?
Frédéric ROUSSEL,
notaire à Lille
Les lois de finances pour 2015 et rectificative pour 2014, promulguées le 29 décembre dernier, conf irment pour l’essentiel les mesures sur le logement annoncées fin août 2014 et reprises par l’instruction fiscale du 10 septembre 2014. Elles n’ont pas eu d’effet jusqu’à présent, en raison sans doute de la méfiance des ménages qui attendaient (prudence, ou méfiance ?) que ces mesures disposent d’une base légale. Le régime d’imposition des plus-values immobilières et la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire (dispositif Pinel) sont aménagés.
Réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir ou assimilés1 . Pour les ventes réalisées à compter du 1er septembre 2014, le régime d’imposition est aligné sur celui des autres biens immobiliers (même cadence et taux d’abattement pour durée de détention tant en matière fiscale que sociale), c’est-à-dire, pour l’impôt sur le revenu, un abattement pour durée de détention de 6% pour chaque année de détention au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e , 4% pour la 22e année. L’exonération au titre de l’impôt sur le revenu est acquise au bout de 22 ans. Pour les prélèvements sociaux, l’abattement pour durée de détention est de 1,65% pour chaque année de détention au-delà de la 5e et jusqu’à la 21e , 1,60% pour la 22e année de détention, et 9% pour chaque année audelà de la 22e . L’exonération au titre des prélèvements sociaux est donc acquise au bout de 30 ans. Pour les plus-values réalisées lors de la vente de terrains à bâtir ou assimilés, précédée d’une promesse de vente ayant acquis date certaine2 entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, un abattement exceptionnel de 30% est applicable, à condition que la vente intervienne au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la promesse de vente ayant acquis date certaine. Attention : cet abattement de 30% ne s’applique pas aux cessions “intrafamiliales” ou encore au profit d’une société dont le cédant, son conjoint, son partenaire lié par un PACS, son concubin notoire ou un ascendant ou descendant de l’une de ces personnes est un associé ou le devient à l’occasion de cette cession. Cet abattement exceptionnel est étendu à certaines ventes de biens immobiliers bâtis situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, définie à l’article 232 du Code général des impôts (les communes visées sont celles qui entrent dans le champ de la taxe sur les logements vacants). Pour l’application de cet abattement, l’acquéreur doit s’engager à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dont la surface de plancher est au moins égale à 90% de la surface de plancher maximale autorisée en application des règles du PLU (Plan local d’urbanisme) ou du POS (Plan d’occupation des sols), dans un délai de quatre ans à compter de la date d’achat. En cas de non-respect de l’engagement, l’acquéreur est redevable d’une amende de 10% du prix de vente. Cette extension du champ de l’abattement de 30% est entrée en vigueur ce 1er janvier.
Aménagements du dispositif Pinel.
– Possibilité de louer le bien à un ascendant ou un descendant. L’interdiction qui s’appliquait à l’investisseur de louer le bien ouvrant droit à l’avantage fiscal à un ascendant ou un descendant du contribuable est enfin levée ! Lorsque le logement est acheté par une SCI non soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), la location à un ascendant ou à un descendant de l’un des associés devient aussi possible. Toutes les conditions fixées pour bénéficier du dispositif Pinel doivent évidemment être réunies : localisation d’immeubles, performance énergétique, engagement des investissements, plafonds de loyers et de ressources du locataire, etc.
Attention : il reste interdit de louer à un membre du foyer fiscal du propriétaire contribuable ou, lorsque le logement est la propriété d’une SCI non soumise à l’IS, à l’un des associés ou un membre du foyer fiscal de l’un des associés.
– Durée minimale d’engagement de location de six ou neuf ans. La durée minimale de l’engagement de location (location nue à usage d’habitation principale) n’est plus fixée de manière uniforme à neuf ans. On peut désormais opter pour un engagement de location minimale de six ou neuf ans. Cette option – irrévocable – est exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure.
– Possibilité de prorogation. A l’issue de la période de six ou neuf ans, pour continuer à bénéficier de la réduction d’impôt, on peut désormais proroger l’engagement initial pour trois années supplémentaires, renouvelables une fois, si l’engagement de location était d’une durée de six ans ; pour trois années supplémentaires, non renouvelables, si l’engagement de location était de neuf ans. La durée maximale de l’engagement de location (et du bénéfice de l’avantage fiscal) est donc de douze ans.
– Modulation du taux de la réduction d’impôt. Désormais, le taux de la réduction d’impôt est modulé en fonction de la durée de l’investissement soit 12% (23% outremer) lorsque l’engagement est pris pour six ans, 18% (29% outre-mer), lorsqu’il est pris pour neuf ans. La réduction d’impôt est répartie selon la durée de l’engagement de location. Elle est accordée au titre de l’année d’achèvement du logement, ou de son acquisition, si elle est postérieure (comme antérieurement), et imputée sur l’impôt dû au titre de cette même année, puis sur l’impôt dû au titre chacune des cinq ou huit années suivantes, à raison d’un sixième ou d’un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années. Rappel : la réduction d’impôt est calculée sur le prix de revient retenu dans la limite d’un plafond par mètre carré de surface habitable fixé par décret, dans la limite de 300 000 euros par contribuable et pour une même année d’imposition.
L’achèvement du logement doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de la déclaration d’ouverture de chantier, signature de l’acte authentique d’acquisition, dans le cas d’un logement acquis en l’état futur d’achèvement, ou la date de l’obtention du permis de construire dans le cas d’un logement que le contribuable fait construire. Le contribuable bénéficie donc de conditions identiques au final, qu’il se soit engagé initialement pour une durée de six ans ou de neuf ans, puisque la durée maximale d’engagement – et donc de bénéfice de l’avantage fiscal – est de douze ans, tandis que la réduction d’impôt est dans les deux cas au taux maximal de 21%. L’investisseur dispose donc d’une certaine souplesse en pouvant réexaminer par période triennale – s’il s’est engagé initialement à louer pour six ans – la mise en location de son bien. A suivre dans notre prochaine édition : “Relance du marché du logement en 2015 : coup de pouce aux donations”.
1. Les terrains qui supportent des constructions impropres à un quelconque usage (bâtiment menaçant ruine ou rendu inutilisable du fait de son état durable d’abandon, immeuble frappé d’un arrêté de péril, chantier inabouti, etc.), assimilés à des terrains à bâtir au sens de la TVA sur les opérations immobilières, entrent bien dans le champ d’application de l’abattement exceptionnel de 30% de l’assiette imposable tant à l’impôt sur le revenu qu’aux prélèvements sociaux des plus-values immobilières résultant de la cession de terrains à bâtir ou de droits s’y rapportant.
2. Lorsqu’elle a été passée par acte notarié du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2015, ou lorsque, établie par acte sous seing privé, elle a acquis date certaine conformément aux dispositions de l’article 1328 du Code civil. Rappel : trois événements confèrent une date certaine à un acte sous seing privé : l’enregistrement de l’acte à la recette des impôts ; le décès de l’un de ses signataires, l’acte recevant une date fixe à la date du décès ; et la constatation de la substance de l’acte sous seing privé dans un acte dressé par un notaire.