2015, année de tous les dangers économiques ?
Nombre d’observateurs pensent que la situation de la zone euro va s’améliorer et que la France renouera avec la croissance en 2015. Mais c’est oublier un peu vite les vents contraires qui vont souffler sur l’économie européenne…
Raphaël DIDIER
En ce début d’année 2015, de nombreux nuages s’amoncellent sur l’économie de la zone euro et sur celle de la France en particulier.
La zone euro face au risque déflationniste. Depuis mi-2012, la zone euro montre des signes de recul très rapide du taux d’inflation, désormais proche de 0,3% en rythme annuel, alors que l’objectif de moyen terme que se fixe la BCE (Banque centrale européenne) est de 2%. Si ce taux devait devenir négatif – c’est la définition de la déflation –, alors se mettrait en place la spirale déflationniste suivante : baisse des prix, hausse des taux d’intérêt réels, baisse de l’investissement, compression des salaires, chute de la consommation, anticipation de la poursuite de la baisse des prix, report des achats et de l’investissement, nouveau recul des prix, etc.
Comme il très difficile de sortir de la déflation par des politiques économiques et monétaires classiques, nombre d’observateurs s’attendent à l’annonce d’un assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) par Mario Draghi, c’est-à-dire l’achat de titres de dettes publiques par la BCE contre la création de monnaie. Cela conduira à des réallocations sur les marchés financiers, qui profiteront à certaines catégories de titres au détriment d’autres.
Des élections à haut risque. Les élections législatives en Grèce, le 25 janvier, concentrent toutes les attentions, puisque le parti d’extrême gauche Syriza, qui s’était fait connaître par son refus de l’austérité et sa volonté d’abandonner l’euro, est désormais en tête des sondages.
Et ce, malgré les appels incessants (et à la limite de la légalité) de la Commission européenne à voter pour des “visages familiers”, de peur qu’une nouvelle crise ne se déclenche au sein de la zone euro si les investisseurs fuient les titres grecs. A la fin de l’année, ce sont les Espagnols qui se rendront aux urnes et certains évoquent déjà une possible victoire du parti Podemos, né du mouvement des Indignés.
Podemos fera vraisemblablement campagne sur la reprise en main de la finance, la fin de l’austérité et la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Pour comprendre ces tendances électorales, il est bon de se rappeler que, contrairement à une idée répandue, la santé socio-économique de la Grèce ne s’est guère plus améliorée que celle de l’Espagne, sauf à fixer l’attention sur quelques rares indicateurs macroéconomiques (croissance) qui cachent une forêt de misères microéconomiques (chômage, faillites d’entre- prises, pauvreté…).
Les espoirs du Pacte de responsabilité. Le gouvernement Valls semble désormais persuadé que la baisse des prix du pétrole, conjuguée au plan Juncker dans l’Union européenne et aux mesures prises en France (loi Macron, Pacte de responsabilité…), va permettre au pays de renouer avec la croissance en 2015.
Les espoirs sont surtout focalisés sur l’entrée en vigueur du Pacte de responsabilité dont la mesure phare est de permettre d’employer, à compter du 1er janvier, un salarié au Smic sans payer aucune cotisation de sécurité sociale. Le gouvernement espère donc que cela débouchera sur des embauches, ce qui est loin d’être assuré lorsqu’on sait qu’à ce jour seuls sept accords de branche ont été signés avec des engagements d’embauches chiffrés. Et encore faudrait-il pouvoir comparer ces promesses d’embauches avec les recrutements qui auraient eu lieu sans le Pacte de responsabilité…
Une situation économique dégradée en France. L’enthousiasme du gouvernement contraste cependant avec la dégradation profonde du contexte socio-économique en France. En effet, le chômage poursuit inexorablement son ascension, car de nombreux secteurs continuent à détruire des emplois.
Et ce n’est pas l’insignifiante augmentation du Smic (+0,8%, soit 9,61 euros brut/heure) qui redonnera du pouvoir d’achat aux ménages, d’autant que les tarifs réglementés du gaz augmentent (+1,8%) tout comme ceux de la SNCF (+2,6%) et de La Poste (+15% pour le timbre). Quant à l’immobilier, au vu du niveau des prix, il faudra bien un jour qu’une correction s’opère… Enfin, les mesures d’austérité, présentées trop souvent comme de simples mesures d’économies, vont faire sentir leurs premiers effets cette année, depuis l’échelon national (coupes dans les dépenses de transfert et d’investissement) jusqu’à l’échelon local (baisse des dotations aux collectivités et, par conséquent, des subventions aux associations). On s’apercevra alors que les baisses de dépenses publiques ne sont guère plus enviables que les hausses d’impôts !